FÉMINISME & NÉO-FÉMINISME: DOUTES & H24 SUR ART par Sylvain Desmille©


H24


Dans une société en pleine surenchère de radicalités, de crispations identitaires, de défiance voire de haine envers l'autre, fondée sur des postures idéologiques - essentialistes, nationalistes - on aspirerait à un peu plus de dialogues, d'écoute et d'apaisement. De raison et de précisions. D'honnêteté. De justesse et de justice. Car la surenchère nourrit la surenchère, les radicalités qui s'opposent finissent par promouvoir le même processus d'exclusion de l'Autre. La reconnaissance de la différence ne doit pas conduire à la négation, à l'exclusion, à l’élimination de l'autre. Politiquement, le fondement de la démocratie est la reconnaissance de l'autre comme différence. Sociétalement, la reconnaissance de la différence passe par une indifférence vis-à-vis de la différence (et non par le diktat de l'indifférenciation).  Mais bon, ce n'est pas gagné.


En ces mois de novembre et décembre 2021, la chaîne franco-allemande ARTE s’engage dans la lutte contre les violences faites aux femmes. Elle diffuse ce 5 novembre à 20h55 une fiction inédite et  franchement très réussie, Doutes, huit clos théâtral porté par Muriel Robin - juste, précise, tenace - qui incarne la présentatrice d’un magazine télévisé d’investigation confrontée à la révélation d’agressions sexuelles pédophiles perpétrées par son producteur et mari (disponible également sur la chaine Youtube d'ARTE). 

 

Doutes s'inscrit plutôt dans le féminisme traditionnel - celui de Simone de Beauvoir - qualifié d'universaliste. Il se fonde sur la raison, la prise de conscience honnête étant le principal moyen de faire évoluer les états de conscience. H24 se s'autodéfinit comme une série manifeste. Il aurait été plushonnête de dire qu'il Il s'agissait plutôt d'un manifeste néoféministe qui n'ose pas se revendiquer comme tel. Les 24 épisodes sont censés mettre en scène 24 heures de la vie des femmes confrontées aux agressions sexuelles des hommes - une manière de dire que ces agressions sont permanentes, du fait de la seule existence des hommes ? L'universalité des situations, réelles, est en réalité un prétexte pour faire la propagande d'un néoféminisme, essentialiste - voire carrément misandre dans la lignée d'Alice Coffin et de Pauline Harmange ? Il vise plus à restaurer la guerre des sexes - jusqu'à l'éradication totale ou tout du moins l'asservissement du genre opposé ? - qu'à imposer le consensus et la concorde, d’œuvrer pour la Paix des sexes (Cf. l'ouvrage de Tristane Banon) comme dans le féminisme universaliste. D'une certaine manière, H24 rappelle la radicalité des idéologies des années 1920-1930  - la misandrie s'oppose à la misogynie comme le nazisme au stalinisme - et réciproquement -, quitte à reproduire le même processus de haine, et la posture victimaire-révolutionnaire justifie la violence voire les volontés gendrocidaires des nouvelles combattantes, quitte à instrumentaliser l'outrage pour légitimer ses propres outrances.  A l'inverse, Doutes correspond plus aux débats tels qu'ils sesont imposés après la Deuxième guerre mondiale, en filiation avec les luttes pour l'égalité des droits, civiques et sexuels. Les deux donnent une bonne image de l'état et des enjeux du féminisme contemporain, et singulièrement, permet de clarifier les choix idéologiques du monde qu'on aspire à voir advenir dès demain.


LIEN DOUTES SUR ARTE.TV






H24: une série manifeste ou un néo-féminste manifeste ?


Disponible désormais en replay sur arte.tv une série de courts métrages complète ce premier film. Plus radicale, H24 y dénonce avec force les violences sexistes, les insultes, les agressions, les abus sexuels, les discriminations toute cette brutalité ordinaire que les femmes subissent au quotidien. « Inspirée de fait réels » cette série féministe n'est en rien documentaire. Il s'agit de fictions, dans lesquelles des actrices tiennent le rôle de femmes victimes d'agressions auxquelles elles s'identifient sans faire en sorte qu'on s'y identifie toujours. Il s'agit d'une interprétation de réalités. Pas la réalité. Même si, dans une très grande majorité des cas, la performance des actrices se révèle excellente, on ne peut qu'applaudir leur jeu - et leur "je" d'actrice - la direction d'actrice - mais qui n'est en rien le "je " des victimes, car l'exercice de style (le monologue littéraire, le concept du court-métrage) leur impose de tenir, de jouer donc de surjouer un rôle, de faire l'actrice, d'être des porte-parole, littéralement, littérairement.


Le dispositif a le mérite d'être clair. Ces fictions sont plutôt un parti pris,  un manifeste militant, affirmé et revendiqué comme tel, en droite ligne des mouvements #Metoo et #Balancetonporc. Ces mouvements traduisaient alors l'exaspération et la colère d'un retour des valeurs machistes, virilistes et racistes auto-promues par un Donald Trump nouvellement élu. Il s'agissait de dénoncer le grand bon en arrière que le Président de l'ultradroite américaine incarnait et qui menaçait toutes les avancées réalisées, collectivement, femmes et hommes unies pour réaliser l'égalité des droits - dont Obama avait été peu ou prou un promoteur. Trump, lui, symbolisait l'opposition des sexes, la différenciation existentielle des sexes, le retour en force d'un patriarcat (dans la droite ligne des Talibans) que toutes les évolutions avaient autorisé à croire enfin révolu. L'élection de trump était en soi  une provocation et mais surtout menaçait les acquis. D'où l'inquiétude et la colère des féministes. 

 

N'est-il pas cependant un peu exagéré de parler de série "manifeste", dans la mesure où H24 ne fait que dénoncer et non de proposer des solutions, sauf à prendre le terme manifeste dans son sens étymologique - "dont l'existence ou la nature est évidente ", autrement dit : indiscutable, patent. Et c'est vrai, la violence de certains hommes envers des femmes - les femmes - est criminelle, patente, indiscutable, manifeste. La série d'ailleurs montre ce constat affligeant. Et comment pourrait-on dire le contraire ? C'est vrai. Dans l'absolu et absolument. On ne peut qu'être d'autant plus  d'accord - en accord avec cette vérité - qu'elle repose et se fonde uniquement sur nos bons sentiments. Pour ce faire, la série nous place uniquement du côté des victimes - les hommes sont bannis, quasiment toujours absents,  jugés par contumace par un tribunal de salut public. Et effectivement, dénoncer les violences est une réelle mesure de salut public. D'ailleurs, si la série ne fait appel qu'à nos émotions, de manière brute et souvent brutale, c'est précisément pour interdire tout débat contradictoire, toute mise en perspective par les ressors de la raison. On est dans le jugement, c'est-à-dire la condamnation. On n'est pas dans la compréhension, pas dans l'analyse - seule pourtant capable de changer le processus. La série s'y refuse.  Mais il est vrai que cette violence est inexcusable.    


Susciter un état de conscience, une prise de conscience, impose un développement, un travail, un processus - une mise en œuvre et une mise en garde (fou) de la raison. On ne prend conscience que lorsqu'on se donne les moyens de la faire advenir. Cela impose du temps. Le court-métrage en manque. Sa dialectique est celle du coup de poing. Ce peut-être un prétexte même si ce n'est pas une excuse, pour expliquer pourquoi chaque épisode va au plus direct. En réalité, dans les faits, juge et partie, la série-manifeste ne pose que des questions fermées et sa réponse est toujours une condamnation unanime: des violences, des agresseurs mais aussi de l'homme en général ? Même si ce sont plutôt l'éducation, la culture patriarcale, le sexiste, le virilisme qui devraient être condamnés - ce que le féministe universaliste dénonce depuis la fin des années 1960. Le fait que les rapports n'aient pas changé, qu'il y ait encore autant d'agressions justifie-il pour autant la surenchère radicale du féminisme actuel, essentialiste, qui s'en prend à l'homme comme genre et comme essence, quitte à faire de tous ceux qui n'ont jamais eu l'idée d'agresser une femme des victimes collatérales ? et qu'en bien même ils représenteraient la très grande majorité des hommes ? Coupables par essence même s'ils ne sont en rien responsables. Vraiment ? Car s'ils étaient vraiment responsables, après tout, cela ferait belle lurette que toutes les agressions auraient cessé - le fait que les hommes non-agresseurs ne condamnent pas les violences et agressions faites aux femmes ne les rend-il pas complices des agresseurs ?

 

En fait, les agressions restent une évidence. Et chaque court-métrage est une déclaration à charge qui se présente comme une évidence - une preuve  - et chaque exemple se veut exemplaire. La question qui se pose est de savoir si H24 se prétend également être une série manifeste dans le sens où elle exposerait un programme - d'action ou de position - de nature idéologique, et dès lors, il serait indispensable de s'interroger sur la nature et la portée de cette visée politique, sur ce qu'elle recouvre exactement, de se demander si le constat-manifeste que l'on ne peut que reconnaître et valider n'est pas juste un moyen  pour imposer  de facto  une idéologie dont il mériterait d'interroger tous les ressors et toutes les finalités.  


En tout cas, accumuler les situations pour généraliser la condamnation, accuser certains pour condamner tous, stigmatiser et opposer les genres - à la manière des intégristes religieux, des organisateurs et des participants à La Manif pour Tous - tout cela pour pour condamner un genre, l'autre genre - le genre autre ? l'altérité ? la différence ? -  transformer les victimes en procureur pour justifier le lynchage de tous les autres, utiliser les bons sentiments pour justifier d'autres plus contestables est en soi assez malin, car l'objet de la critique est sans sujet si on ne regarde pas la série d'un coup et dans son intégralité. D'ailleurs, quand j'interroge ceux qui autour de moi ont beaucoup aimé H24, très vite je m'aperçois qu'ils n'en ont en réalité regardé que deux ou trois épisodes, cinq à tout casser, et de manière discontinue (la grande majorité a visionné les deux premiers et ceux qui sont allé plus loin on ensuite choisi les deux ou trois suivant de manière aléatoire). Aucun n'a cherché à regarder les vingt-cinq épisodes dans la continuité, comme le voudrait l'enjeu du projet. Forcément, il ne s'agit pas du même regard, et le ressenti est aussi très différent selon que l'on regarde la série dans sa longueur ou par sondage et de manière discontinue. Je crois que sa violence, son extrême violence, n'est en fait perceptible que lorsqu'on la regarde dans sa continuité. C'est une accumulation d’uppercuts, de coups de poings dans la gueule et dans le bas du ventre, comme si la série cherchait à nous faire éprouver la violence subie par les femmes, au risque de provoquer aussi la même colère défensive, offensive, de la part des hommes. Et peut-être est-ce ce qui m'a le plus gêné, d'être contraint, acculé à cette colère, forcé contre mon gré de devoir reproduire le schéma du pour et du contre, au risque de voir annihiler tous les efforts réalisés par les nouvelles générations d'hommes, peu désireux de devoir se soumettre à l'ordre patriarcal et viriliste et plus soucieux du consensus et du consensuel. Cette colère me rendait d'autant plus en colère qu'elle cherchait à imposer un retour en arrière, à opposer une fois de plus les sexes, les genres, à restaurer une dialectique réactionnaire au lieu d'aller de l'avant, d'accélérer  la fantastique transformation sociétale concernant les rapports hommes/femmes à l’œuvre depuis plusieurs années. J'avais l'impression d'être manipuler, contraint dans mon libre arbitre, associée (converti) à une image et une représentation qui n'était pas la mienne - car fondamentalement, existentiellement, je n'ai rien à voir avec les hommes - l'homme - mis en scène dans ces courts-métrages. C'est d'ailleurs parce que je n'ai rien à voir avec eux que j'ai voulu voir la série dans son ensemble et sa continuité. Plus encore, je m'étais dit que le but, la vocation, de cette série était de s'adresser en priorité aux hommes, pour leur faire comprendre ou donner à comprendre ce que subissaient les femmes. Mais je m'étais trompé. H24 semble destinée à n'être regardé que par les femmes et pour les femmes, comme si la négation des hommes à l’œuvre concernait également ceux qui auraient eu l'intention de la regarder. D'où un sentiment de colère encore plus grand.

 

C'est une technique d'éloquence assez classique: on utilise une attitude fondamentalement condamnable - les violences, agressions et discriminations envers les femmes - pour faire passer une autre idée (le rejet du sexe et du genre masculin) de manière à ce que toute réserve, tout refus du rejet de l'autre soient décrétés interdits au prétexte que toute critique équivaudrait à une condamnation de la condamnation des violences envers les femmes. Mais non, on peut être contre toutes les formes d'agressions et de discriminations, vouloir abolir le patriarcat, et être aussi contre les idéologies faisant la promotion de la négation de l'autre, du refus de l'autre. En tout cas ce devrait être cohérent et éthiquement compatible. 

 

Est-il honnête d'utiliser la dénonciation de la violence faite aux femmes pour justifier et promouvoir  la haine de l'Autre - en l’occurrence de l'Homme et des hommes en général. En fait, le processus pourrait s'appliquer à tous les autres (les juifs, les arabes, les noirs, les blancs, les latinos, les homosexuels - tous ceux qui sont appréhendés comme Autres car jugés par certains comme forcément coupables d'être différents...) ? La stratégie pour vous faire taire est de laisser croire qu'on pourrait vous suspecter d'être un gender traitre, en l’occurrence, donc qu'il conviendrait de vous condamner par avance, au seul motif que vous pourriez émettre un propos autre, ou simplement différent de la convenance majoritaire.  Là encore, on est dans une pensée fermée, tautologique plus que totalitaire, mais dont la finalité et la pratique ressemble bien pourtant à celle des régimes totalitaires: dénoncer la haine de certains envers des autres pour justifier la haine des uns envers un autre. Pour comprendre cette stratégie, il est important de savoir comment elle a pu advenir.


Les deux directrices de cette série, Valérie Urrea et Nathalie Masduraud  en ont eu l’idée en 2019, année terrible où la France dénombre 146 féminicides : « Il y a différentes formes de militantisme. Certaines s’engagent dans des associations, font du porte-à-porte. Nous souhaitions agir avec nos outils «  précisent t-elles dans un entretien accordé à Vanity Fair, partenaire de la série avec France inter. Et effectivement, cette série fort bien produite - avec courage et détermination - se fonde sur un puissant sentiment viscéral d’indignation, de haine et de colère, souvent brûlante, parfois glaçante. C’est à la fois sa force et sa limite. Comme la série ne ne se justifie que par et via l'émotion, elle ne peut que susciter des réactions émotionnelles, du "ressenti" perçu comme supérieur à la raison, plus juste et plus égalitaire  autrement dit non élitiste car débarrassé de toute possibilité d'analyse et de démonstration, désormais forcément suspecte. Il est intéressant d'ailleurs de noter que les critiques nombreuses se contentent de décrire la série, ou sa production, de manière bienséante et bienveillante, en utilisant toujours les mêmes expressions que celles du dossier de presse,  sans chercher à l'analyser vraiment. Bien sûr, on ne peut que s'élever contre les violences envers les femmes, les condamner. C'est juste moral - normal. Surtout éthique et honnête. On ne peut ni ne doit critiquer l'intention ni les bonnes intentions.  Ce qui est plus gênant c'est lorsqu'on instrumentalise les violences envers les femmes voire des personnalités comme Christiane Taubira, ancienne ministre de la Justice, tout cela pour promouvoir en réalité une idéologie essentialiste - un féminisme essentialiste - qui elle doit être l'objet d'un débat rationnel. 


L'équipe des créateurs de H24, en partenariat avec Vanity Fair


H24: constat et concept. 


Soyons clair. Toutes les formes de violences, physiques et psychiques, toutes les formes de discrimination, de harcèlements, d'injustices sont inacceptables, d’une manière générale et en conscience. Celles envers les femmes comme envers celles envers les autres - tous ceux que d’aucuns refusent, briment, insultent, agressent, dont certains condamnent l'existence au prétexte qu’ils seraient différents, dissemblables, minoritaires, soit disant plus faibles ou dépendants. Les violences envers les femmes ne sont pas plus ni moins importantes que les agressions de toutes sortes, homophobes, antisémites et racistes, d’autant plus que celles-ci se combinent et se confondent de plus en plus souvent aujourd’hui. Nombreux sont les anti-féministes à se revendiquer homophobes, antisémites et racistes. Nombreux sont également les victimes de racisme ou d’antisémitisme à être homophobes, exactement comme certains homosexuels (gays et lesbiennes) peuvent être racistes (au prétexte qu’un tel ou un tel n’est pas à leur « goût »), voire transphobes. La question de la redéfinition structurelle des rapports entre nature et culture, majorité et minorité, individu et collectif explique en partie les lignes de fracture d'où s'échappe ce déferlement de haine (mais c’est une question trop vaste pour être débattue ici). Dans tous ces cas, l’autre est perçu comme une menace du quant-à-soi (l'identité identitaire). Le problème est que tant qu’on reste dans ce schéma d’opposition binaire, le processus ne peut que se perpétuer. Comme à chaque fois, tout change et rien ne change, tout change pour que rien ne change. Il serait plus intéressant, si on veut vraiment que tout change, de révolutionner la révolution, de penser la métamorphose au lieu de se contenter d'appliquer la logique hégélienne et marxiste du remplacement (un groupe social, sexuel, identitaire, générationnel prend le pouvoir - chasse du pouvoir - remplace au pouvoir le groupe jusqu'alors dominant pour au final agir comme lui). D'une certaine manière, si on ne veut pas que le XXIe siècle devienne un remake du XIXe siècle, il faudrait marxiser le marxisme - ce qui serait en fait très intéressant, même si cela exige un peu d'effort non ? Tel n'est absolument pas l'intention de H24, qui s'inscrit dans une logique hégelienne.  Les mises en situation ne sont ici que des mises en scène, qui ne prétendent en rien, il faut le leur reconnaître, à se penser ou même se situer au regard de l'Internationale  situationniste. 


H24 se fonde plutôt sur un constat  (il est nécessaire, indispensable, vital de dénoncer les violences quotidiennes envers les femmes - et c'est juste et vrai) et sur un concept: à travers vingt-quatre courts métrages - un épisode par heure de la journée - écrits à partir de faits divers réels (dont on aurait voulu connaître les sources précises) par vingt-quatre écrivaines contemporaines et interprétés par vingt-quatre comédiennes. La série est produite par les deux co-fondatrices des Batelières productions.


A toutes les étapes de la création les hommes sont volontairement, délibérément et systématiquement exclus, un peu comme si le manifeste militant obligeait de les nier, de faire des films de femmes, uniquement par des femmes et pour de femmes, ne pouvant être vus et critiqués (en l’occurrence, salués, solidarité féminine oblige) que par des femmes. Dès lors, si un homme n'émet ne serait-ce que la plus infime remarque, on lui rétorquera que de toute façon: "Il ne peut pas comprendre, parce qu'Il n'a jamais vécu cela, que de toute façon Il n'est pas concerné, parce qu'Il est un homme", et ce, quand bien même il tient à regarder ces courts-métrages parce qu'il a le désir et la volonté de de comprendre, justement, de l'intérieur, en situation et en condition. mais si on ne l'autorise que d'être vassal, alors il serait bon de préciser qu'il s'agit d'une série ségrégationniste, ne devant et pouvant être regardée que par les femmes. 


Cette négation se retrouve la réalisation. Dans l’opus qui ouvre la série « 07H-Signes » réalisé par Nora Fingscheidt sur un texte d’Angela Lehner, Diane Kruger incarne une femme victime d’agression sexuelle dans un bus: son voisin lui propose un rapport sexuel. L’actrice interprète à la fois la victime et l’agresseur, la femme et l’homme. Celui-ci est absent sans être tout à fait invisible (les deux plans montrant le bras et le genou de l’homme qui se pressent contre ceux de la femme sont franchement de trop car ils entrent en contradiction avec le propos - quitte à prétendre suivre une logique de réalisation de type « dogma », il faut être radical jusqu’au bout). Ce dispositif narratif - la femme ou la jeune fille racontent l’histoire en se mettant dans la tête de l’homme - en estimant que c’est ainsi que tous les hommes pensent, agissent ( le "Il" dit "Tous") - est récurrent dans plusieurs court-métrages (comme l’épisode 4, « 10h- Concerto #4 », « 14H - je serai reine »). C'est aussi un moyen d'interdire aux hommes d'intervenir directement, en personne. Tout doit passer par le filtre du regard féminin. Le dispositif focalise. D'ailleurs l’environnement, la foule, autrement dit les autres, les témoins disparaissent eux aussi. Certes, on comprend l'intention de se focaliser sur la victime, de la placer pour une fois au centre, de n'entendre que sa parole, sans débat contradictoire, sans laisser la possibilité à "l'autre" de se défendre (de mentir le plus souvent, de refuser de reconnaître les faits") mais au risque de nier une dimension d’importance: dans la réalité, les bus ne sont pas vides comme celui où joue de Diane Kruger et c’est souvent la présence des autres, la peur du « scandale » qui explique pourquoi de nombreuses femmes préfèrent la fuite à l’esclandre, subir au lieu de réagir avec la même violence. La présence des autres est d’autant plus importante que leur inaction les rend complices des agresseurs (la bonne conscience de ceux qui affirment que ce n'est pas leur problème, la lâcheté de ceux qui ne veulent rien avoir à voir avec "ça", les égoïstes qui ne veulent prendre aucun risque parce que cela ne les concerne pas...). Or, tant que l’action contre les violences envers les femmes n’est pas collective et solidaire, tant que tout le monde ne se sent pas concerné, tant qu’on se place uniquement sur le plan individuel, il sera difficile de faire bouger les lignes de front et de briser le processus. Tel avait été précisément la force du mouvement #Metoo, faire corps. 






H24: la forme ou le fond ? 


Les monologues « inspirés de faits réels » sont très littéraires - et d’ailleurs, les textes publiés en recueil par les éditions Actes Sud. Cette ré-écriture crée une sorte de distanciation étrange. Les courts métrages veulent parler des atteintes quotidiennes dont sont victimes les femmes mais dans une langue - souvent très belle, voire envoûtante, toujours émouvante -  qui n’est pas celle de la réalité. L’élégance du discours, la séduction qu’il suscite apparaît un malaise. L'art de l'éloquence, la rhétorique des émotions, les figures du discours rendent l’horreur belle. C’est le cas en particulier pour l’épisode « 18H - Je brûle », interprété par Valeria Bruni Tedeschi sur un texte d’Ersi Sotiropulos, clinquant à force d’être brillant, qui raconte un féminicide, l’assassinat d’une femme, brûlée vive. Dans la vraie vie, en réalité, la victime du fait divers qui a inspiré ce texte aurait-elle parlé ainsi ? Franchement ?


A cela s’ajoute souvent la réalisation, réussie par ailleurs (là n'est pas la question) qui souvent crée une distance supplémentaire (et non une mise en perspective, c'est-à-dire une prise de conscience comme dans la distanciation brechtienne). On a en effet l’impression d’une lutte entre le texte qui renvoie au genre de la nouvelle et son adaptation en court métrage (qui en France, est lui-aussi un genre en soi, type "travaux de fin d'année de la FEMIS"). L'un renvoyé à l'autre amplifie l'effet de distance: le fait divers, c'est-à-dire le fait réel, n'est en fait qu'un pré-texte, une source "d'inspiration", que le monologue puis la réalisation déconstruisent complètement. Dans « 18H- je brûle » c’est flagrant. Les gesticulations de Valeria Bruni Tedeschi, pas du tout crédibles, font oublier le propos. En fait, pour cet épisode, le mieux serait d’écouter l’actrice dire le texte sans regarder les images, car c’est ainsi dont on se rend compte de l’extraordinaire qualité de son interprétation. D'ailleurs, dans de nombreux cas, on aurait préféré juste entendre l’actrice dire / réciter son monologue, face caméra, sans ces mises en scène superfétatoires (« 08h - 10 cm au-dessus du sol » avec une danse très "mode" mais qui rend le film ridicule,  « 09h - Revenge porn » (la scène de la tombe), « 12h - Le cri défendu », « 19h - Le chignon » (le combat de sabre), « 20h - Ligne de touche », « 23h - Nuit rouge » (les rétroprojections, assez illisibles)…).


(Souvent je me suis dit en regardant la série que les textes étaient très bien en soi, l'interprétation des actrices excellentes, les partis-pris de réalisation, pourquoi pas, mais c'est quand on combine le tout que dans la majorité ds cas cela ne marche pas. De même, chaque court-métrage vu de manière indépendante fonctionne, mais regardé en suite, en continuité, il arrive un moment où, malgré toute sa bienveillance et sa bonne volonté, malgré les efforts, on décroche - et j'avoue avoir décroché, même en mettant du sien, par considération pour le travail accompli)  Peut-être qu'il serait aussi intéressant d'avoir leur pendant: le témoignage brut, documentaire, face caméra, avec leurs propres mots, des victimes des faits divers réels dont les écrivaines se sont "inspirées". Je me suis demandé aussi dans quelle mesure il serait intéressant de faire la même chose, de refaire la série, côté homme, avec des hommes à la réalisation, et / ou en filmant du point de vue des agresseurs. Plus par souci de complémentarité que pour émettre un avis contradictoire). 


En fait, mais c’est un avis tout personnel, les épisodes qui fonctionnent le mieux sont ceux qui sont les plus neutres, donc implacables, en particulier « 11h - Avis d’expulsion » sur un texte de Lydie Salvayre, avec Marilyne Canto, excellente, ou encore «16h - Terminal F » avec Annabelle Lengronne, « 00h - Elle sera belle »  sur un texte de Christiane Taubira avec Grace Seri (qui sauve le texte), "04h-Emprise" avec Luana Bajrami sur un texte de Chloé Delaume  et surtout « 21h - Les détails » sur un très beau texte de Nadia Busato écrit à l'encre froide et interprété par la sublime Sveva Alviti. Tous les cinq ont été réalisés par Nathalie Masduraud et Valérie Urrea, directrices de la collection. Pourquoi n’ont-elles pas appliqué la même rigueur à toute la série ou réalisé toute la série ?  Car dans ces épisodes, on ressent leur désarroi, les frustrations, leur colère qui, à ce moment précis, nous rend solidaires.  C’est aussi le cas du dernier opus «  La 25e heure- Nina » réalisé par Sandrine Bonnaire avec Nadège Beausson-Diagne en rôle titre. Je me suis d’ailleurs demandé si ce n’était pas cet épisode qu’il aurait fallu commencer la série, ou, en tout cas, si je ne l’aurais pas perçue différemment si j’avais commencé en fait par celui qui la clôt, peut-être le meilleur. Le premier, celui-ci avec Diane Kruger, met trop en avant un certain maniérisme, voire une afféterie de réalisation. Celui de Sandrine Bonnaire, presque silencieux, sonne juste, de manière implacable (parce que silencieux ?).


Peut-être cela tient-il au fait que son actrice est d’origine afro-européenne. Toutes les actrices dites de couleur (Annabelle Lengronne, Kayije Kagame, Nadège Beausson-Diagne, Grace Seri - Deborah Lukumuena sur-joue) présentes dans la série semblent moins interprétées les textes que les vivre. Elles ne sont pas plus excellentes que les autres mais mieux. Plus justes.  Ce sont elles qui restent en tête, leur personnage qui nous hante. Peut-être parce qu’elles nourrissent leur interprétation du racisme dont elles ont été victimes ? En tout cas, on perçoit chez elles une ligne de faille qui n’existe pas chez les autres. 



H24: une série sur la haine de certains hommes envers les femmes et sur la haine des femmes envers les hommes. 


Si on regarde chaque épisode en soi, individuellement, chacun a une réelle qualité. Le problème est quand on les regarde dans leur continuité, collectivement, qu'on les analyse dans et comme un ensemble.  Et d'ailleurs, je suis sûr qu'on n'éprouverait pas le même ressenti selon qu'on regarde quelques épisodes de manière aléatoire et la série dans sa continuité et son ensemble, un épisode l'un après l'autre - car après tout tel est l'enjeu. Pris épisodiquement, chaque court-métrage échapperait à toute critique et serait vu, j'en suis suûr, très positivement. Mais quand on regarde tout d'un coup, on se rend compte  que le systématisme fait système et véhicule une idéologie finalement assez semblable à celle que chacun des courts-métrages dénoncent. Bien sûr, on ne peut avoir aucune "bienveillance", aucune compréhension, aucune excuse pour ces agresseurs et autres salauds du quotidien ("salaud", au sens sartrien, bien sûr). Et même je comprends pourquoi certains textes prennent tous ces petits hommes de haut, avec suffisances et condescendance, expression d'une revanche parfois un peu trop revancharde. Je comprends aussi que le mépris envers les hommes (dans aucun film, un homme n'a un geste de compassion) est une manière de cesser de se penser comme victime, d'être une victime ou de tenir ce rôle. Je comprends que cette colère traduit également un profond sentiment d'injustice, lié au fait que la Justice n'accomplit pas son oeuvre (et ce même quand une femme fut ministre de la justice), que toutes les crispations extrémistes aujourd'hui s'expliquent par le sentiment d'impunité - réelle - par cette carence de justice, cette incapacité de la justice à rendre justice au quotidien (qui oblige les victimes à se faire justice) Mais faut-il nier tous les hommes et incriminer tous les hommes pour autant ? Ce serait aussi intelligent (c'est-à-dire complètement stupide) de condamner tous les hétérosexuel-le-s au prétexte que les homophobes sont hérérosexuel-le-s... Aussi, dans quel mesure  la dénonciation des violences faites aux femmes doit-elle conduire à affirmer une haine envers hommes, de l’homme, en tant qu’autre, altérité ? A moins que toutes les auteures, réalisatrices, interprètes, productrices ne considèrent les hommes - l'homme - comme mauvais et condamnables par nature, au regard d'une approche naturaliste (écologiste ?), rousseauiste ?   qui cherche à tout lire à l'aune de la nature, au regard de la nature ( à l'inverse, le regard universaliste mettrait en avant le prédicat culturel) ?    Mais là, je ne veux y croire.


Ce sentiment qui grandit et qui se cristallise au fur et à mesure des films s'explique par la généralisation systématique - le "II" -  renforcée par l'absence des hommes à l’image (sauf de rares cas, et d'ailleurs chapeau aux acteurs - sans doute eux-mêmes très féministes - qui ont accepté de jouer le rôle du salaud). Comme, d'une manière générale, on ne peut pas identifier l’agresseur à l’image, l’homme est défini comme genre et sexe, en totalité, et donc mis en accusation comme genre et sexe - de manière totalitaire. Tous les hommes apparaissent comme des agresseurs potentiels ou en puissance.  A force, "Il" apparaît comme un ennemi voire l’Ennemi existentiel, ontologique. Je peux comprendre cette paranoïa victimaire : la femme agressée par un homme perçoit dès lors tous les hommes comme une menace, comme des agresseurs potentiels. L'un devient le tout mais appréhender chaque individu comme sa totalité conduit à l'émergence d'un ressenti totalitaire sur lequel se sont fondées les idéologies racistes.

 

Comme je l'avais montré dans mon article sur le wokisme, les meilleures intentions peuvent susciter les pires idéologies. On a l’impression de voir la série comme une illustration de l’idéologie développée par Alice Coffin et le féminisme essentialiste, adepte de l'idéologie du "grand remplacement" comme solution finale (il faut faire la chasse aux hommes, remplacer tous les hommes par des femmes selon elle, nier les hommes (les rendre à leur propre néant), les détruire culturellement et existentiellement, comme les Chinois le font avec le Ouighours ? quitte à terme d'envoyer tous les hommes dans des camps de concentration et d'extermination ?). Les luttes féministes contre les violences faites aux femmes doivent-elles forcément conduire à la haine envers les hommes, au dégoût (l'un et l'autre son évidents, palpables dans l'épisode intitulé "12h, le cri défendu" et dans "20h - La ligne de touche) ? Pourquoi reconduire cette épreuve de force en l’inversant, au risque de reproduire le même processus que celui qui avait été dénoncé (remplacer le patriarcat par un matriarcat, l'un et l'autre étant au final des idéologies de pouvoir, le remplacement des uns par les autres ne faisant que perdurer le même processus de domination) ? Pourquoi percevoir l’autre forcément comme un danger, une paranoïa systématique, à vouloir le nier au risque de finir par faire du Zemmour féministe ? Pourquoi chercher à tout généraliser, à mettre tous les hommes dans le même panier, à faire des hommes et de l'homme Le problème. S'agit-il d'une question de sexe ou d"éducation, de genre ou de comportement ? Il existe un danger de stigmatisation à vouloir faire de l'exemple - du cas particulier - une exemplarité - une généralisation, à confondre la partie pour le tout. On sait où  conduit ce genre de manipulation, les risque de dérives (même si la plupart elles sont recherchées, provoquées). A la place de l'épreuve de force désormais systématique, surtout quand on voit les dérives des discours à l'occasion de la campagne présidentielle, on a plutôt envie d'apaisement, de restaurer le dialogue, de trouver des solutions, non ? Dénoncer est nécessaire et indispensable à condition que cette énonciation conduisent à changer concrètement les choses. 


Je comprends cette idée de radicalité, de revanche et plus encore ce besoin de justice, mais en tant que gay, victimes d’homophobie, je ne me suis pas du tout reconnu dans la figure de l’homme présentée dans ces films.  En regardant ces films, je me suis rendu compte combien je me sentais être complètement étranger à cette inculture, à cette bêtise, à cette (absence d'éducation, à cette médiocrité crasse (toutes classes sociales et générations confondues), à cette complaisance.  Pourtant, je ne pense pas non plus que les violences envers les femmes ne soient que le fait des hétérosexuels. J'espère. D'ailleurs, nombreux sont ceux d’ailleurs qui ne se reconnaîtront pas non plus dans ce radicalisme manifeste sous couvert de radicalité. Peut-être parce que la volonté de ces films est aussi de refuser aux hommes toute possibilité d'identification, en les excluant, en les plaçant systématiquement dans le boxe des accusés assistant aux témoignages des victimes - certains prendront peut-être conscience de leurs actes, la majorité non, précisément parce que ces films ne sont structurellement pas inclusifs. Cette prise de position serait-elle celle de toutes les femmes ? Je ne le pense pas. Toutes seront d'accord pour retrouver dans les courts-métrages des situations qu'elles ont elles-mêmes souvent connues (7 femmes sur 10 ont été victimes de cette violence au quotidien) et pour dénoncer, comme moi, la violence et l'agressivité, le machisme bête et le virilisme béat.  En revanche adhèrent-elles pour autant au féminisme essentialiste qui semble structurer cette série, dès lors plus idéologique qu'universelle, et qui voudrait les convertir ?  Au lieu d'en évacuer les hommes,  elle auraient dû s'adresser autant voire plus encore aux hommes qu'aux femmes. Car pour changer concrètement les choses, faire taire les machos qui se croient tout permis, ne faudrait-il pas plutôt donner plus de voix aux hommes qui ne s’affirment plus dans ce modèle au lieu de rompre tout dialogue comme parti pris a priori. N'est-il pas temps de changer de dialectique. De remplacer l'idéologie par la conscience ? 


A l’inverse, certaines agressions sont présentées comme spécifiques aux femmes alors qu’elles ne le sont pas. Les garçons autant que les filles peuvent avoir à subir les avances d’un-e professeur-e (je me souviens de certaines propositions d'UNE prof de l'université qui n'arrêtait pas de me parler du film Caligula et qui m'avait proposé de venir en vacances dans sa villa de Nice...), les gays autant que les lesbiennes peuvent être confrontés aux insultes homophobes d’un entraîneur de foot, les petites filles ou les petits garçons peuvent être violé-e-s par des prédateurs et prédatrices sexuel-le-s, les garçons autant que les filles peuvent être victimes de harcèlement, à l'école comme sur les réseaux sociaux, ou de chantage à la sextape (en témoigne l'affaire du footballeur Mathieu Valbuena). Ne pas le rappeler n’est pas honnête et risque de discréditer la portée du propos dans son ensemble. En fait, ce propos accrédite le fait que H24 est une série faisant la propagande du néofémisme. Deux de ses ressors les plus radicaux sont l'essentialisme et l'intersectionnalité  (quand des personnes subissent simultanéement plusieurs forme de stratification, de domination et / ou de discrimination). Il est vrai que les discriminations, sociales, sexuelles, sexustes, racistes, s'accumulent d'autant plus que les sociétés actuelles sont de plus en plus parcellarisées, segmentées, différencialisées, communautarisées, individualisées, égocentralisées, narcissisées (et donc de moins en moins collectives). Mais dire que des femmes sont à la fois victimes de racisme, d'homophobie impose de rappeler que c'est aussi le cas des hommes. C'est juste une question d'honnêteté.


Enfin, je regrette aussi que la dimension sociétale ait été privilégiée par rapport à la dimension sociale et culturelle. Les violences que doivent subir les femmes qui portent le voile et celles qui sont contraintes de le porter, que doivent subir celles qui veulent exprimer leur féminité (dénoncée comme étant celle célébrée par les hommes) ne sont pas abordées - peut-être parce que cette violence n’est pas le fait que des hommes - de l’Homme - mais aussi des femmes. Idem pour les violences concernant l’excision. Ou la solitude des jeunes filles qui doivent assumée seule un avortement (et la difficulté de plus en plus importe à pourvoir avorter).  On aurait pu aussi poser la question du séparatisme - de la ségrégation ? - entre les hommes et les femmes dans les religions juive et musulmane (et certaines sectes protestantes voire catholiques - il serait bon aussi que les Chrétiens se demandent dans quelle mesure la Vierge Marie était consentante et si l'immaculée conception n'était pas une sorte de GPA divine, ou si elle a été victime d'un viol divin). Les films ne parlent pas non plus du sort des femmes à la campagne, dans les milieux prolétaires victimes de violences spécifiques. C’est d’autant plus dommage qu’il y a des redites thématiques dans la série et que certains épisodes ne concernent pas les violences spécifiques envers les femmes. Comme quoi les luttes ne font que commencer.


LIEN SERIE H24 SUR ARTE.TV





Doutes: pas de doute, c'est le film à regarder. 


H24 est une série nécessaire. Elle énonce et dénonce, manifeste et se veut être un manifeste.  Cependant, j’ai trouvé le téléfilm Doutes réalisé par François Hanss, plus juste parce que moins radical dans l'expression, et peut-être plus fort parce qu’il multiplie les points de vue sans parti pris. On est moins dans le coup de poing et plus dans l'entendement, plus dans la prise de conscience. La mise en scène très théâtrale permet catharsis et identification de tous, pour tous. Nulle volonté de rejeter une catégorie de spectateurs ici. La volonté est plutôt de les amener à comprendre, à entendre, à se mettre dans la peau de chacun des protagonistes, dans leur tête. Le ressenti - l'émotion - ne s'oppose à la raison ici, ni à l'analyse. Il en est plutôt un instrument permettant à chacun de prendre conscience, de faire acte de conscience, d'advenir à cette intelligence . L'enquête menée par Muriel Robin est sa propre démonstration.  


Le picht d’Arte résume bien le film: « Agnès Baer, jouée par Muriel Robin, est la présentatrice d’une émission d’investigation à succès, "L’ombre d’un doute", produite par Gabriel, son mari et partenaire de toujours (interprété par Olivier Claverie). Alors qu’elle s’apprête à recevoir un prix couronnant sa carrière, elle rencontre une jeune femme  (Elodie Wallace, auteure du film) qui lui fait de bouleversantes révélations sur son mari. Partagée entre le choc et l’incrédulité, Agnès décide de mener l’enquête par elle-même, au risque de tout perdre ». Tout ici est subtil, juste, efficace. Le film décrit une prise de conscience et un état de conscience. Muriel Robin est à la fois l’araignée qui tisse sa toile et l’insecte pris à son piège. Alors qu’elle se laisse convaincre de faire une émission sur les victimes d’agressions sexuelles, elle change son fusil d’épaule en donnant la parole aux agresseurs pour confondre son mari. L’homme ici n’est pas absent, mais bien là, bien visible. On adhère au propos parce qu’on on peut mettre un visage sur le salaud. On prend vraiment conscience de ce que subissent les femmes car ce salaud n’est pas l’homme en général mais ce type là. On devient solidaire de toutes les femmes. Et alors on se dit qu’une solution est enfin possible. A voir. Absolument. 





A voir aussi en ce moment toujours sur ARTE.TV l'excellent documentaire sur "L'ange blond de Visconti - Björn Andrésen" au lien suivant


LIEN DU DOCUMENTAIRE  "L'ange blond de Visconti - Björn Andrésen" sur ARTE.TV





Sylvain Desmille ©.

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