Roma 2024, ©Sylvain Desmille |
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ROMA 2024, Last Summer Memories, via Google drive
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à Bruno Debrandt,
pour sa présence et son soutien
© Sylvain Desmille photographies et textes.
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Les photographies dialoguent l’une au regard de l’autre, horizontalement, mais aussi verticalement (l’une au dessus de l’autre, et parfois en carré, à quatre ou plus…) Le Livre a été publié au format A3 afin de mieux donner à voir les photographies.
J’ai pris la décision de ne pas légender mes photographies afin de préserver certains coins de Rome d’un sur-tourisme devenu envahissant et polluant. Nombreux sont les sites de l’hyper centre à avoir atteint un point de rupture. L’afflux ne pouvant se concentrer plus, il se propage dans des quartiers naguère préservés, menaçant les équilibres sociaux et la qualité de la vie des habitants. Cette situation - ou plutôt cet excès - sert cependant d’excuse pour rendre payant des lieux emblématiques en obligeant tous les visiteurs à réserver un créneau horaire, comme c’est le cas pour le Panthéon et bientôt (déjà) pour la Fontaine de Trevi. Mais il ne s’agit que de réguler les flux pas de résoudre les problèmes de fond du sur-tourisme .
Faire la photo, se faire prendre en photo est la seule chose qui importe aux adeptes des réseaux sociaux. Se soumettre au diktat de l’Image, se mettre en représentation dans ce qu’ils ne considèrent qu’un décor destiné à se mettre en valeur est la seule chose qui compte. Ils ne manifestent aucun intérêt - même poli même hypocrite - pour le lieu, son histoire. Au moins sur cette question, ils sont clairs et francs. Rome n’est qu’un prétexte - un lieu d’escapade romantique de trois jours, vols compris. Pour eux, le cadre importe plus que l’oeuvre - et d’ailleurs ils préfèrent se faire prendre en photo devant l’oeuvre que la regarder. La communication l’a emporté sur la culture.
Cette oppression est de plus en plus insupportable pour des Romains pourtant habitués au tourisme depuis l’antiquité. Les affiches demandant de garder les lieux propres et de respecter la tranquillité des riverains et voisins se multiplient partout dans Rome. Sans trouver le moindre écho, et souvent au contraire. Au sentiment d’impunité des uns répond celui d’abandon des Romains.. Les musées en revanche constituent des bulles d’air, des espaces d’apaisement et une espèce de protection au coeur de toute cette agitation. On y retrouve en très grande majorité des Italiens et de moins en moins d’étrangers - sauf pour profiter de la climatisation et des toilettes lorsqu’ils sont gratuits.
Les textes de ce blog sont plus développés que dans le livre.
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Roma 2024, ©Sylvain Desmille |
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Au final, il ne restera de toutes ces statues et de tous ces temples, de tous ces palais et de toutes ces capitales qu’une brassées de grains de sables s’écroulant sur eux-mêmes comme des rats fuyant l’incendie.
Au final, il ne restera de ces grains de sables qu’un temps, l’éternité réduite à l’éphémère son évaporation, une brassée de poussières, le souffle de l’air rendu à ses halètements, un rien tendant vers sa disparition.
Mais bon , le néant n’existe pas tout à fait tant que le mot existe.
Rome, nombril du monde, du moins un temps et en son temps, n’est plus aujourd’hui qu’une simple molécule, un atome en voie de disparition (nous nous situons bien plus tard, alors que la race humaine a cessé d’exister depuis bien longtemps, la terre réduite à un champs de pierre et de poussière comme si nous nous trouvions sur Mars). J’en prélève les électrons comme l’enfant arrache les ailes des papillons collées à la lampe-tempêtes. Poussières de morts, poussières d’anges, les couleurs au bout des doigts et sous les ongles - et nos empreintes, partout. Il y a peu les statues de l’antique Rome étaient peintes et parfois recouvertes d’or pour donner à la pierre l’aspect du métal. Mais les couleurs se sont effacées, l’or à l’os désormais, et des corps le marbre à sa propre matière, l’ombre d’elle-même.
Mais bon, le néant n’existe pas tout à fait tant que le mot existe. Comme une rambarde, l’épave autour du trou noir.
Combien de Rome dans une poignée de sable ? combien de planètes ?
Combien d’images dans chaque sel d’argent ? dans chaque pixel ?
J’ai parfois l’impression de ne photographier que des grains de sable, les uns à la suite des autres comme les animaux entrant dans l’arche de Noé. Non pour retenir, mais pour ne pas oublier que ce qui figure sur la photographie a déjà cessé d’exister.
Je photographie l’effacement.
Sylvain Desmille
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Roma 2024, ©Sylvain Desmille |
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La vérité n’est plus la réalité - l’a t-elle jamais d’ailleurs été ? De campagnes électorales en mandats présidentiels, l’Américain Donald Trump rabâche ses fake news jusqu’à leur donner la légitimité de leur répétition et de l’écoute. Car désormais peu importe le propos. La vérité ego-proclamée n’a que faire de la véracité. Seule compte l’ampleur de l’audience, mesurée en nombre de clics et de followers sur les réseaux sociaux, en vertu du nouveau principe du « si on me lit, plus on me lit, c’est donc que c’est vrai ». il suffit de dire, de manière péremptoire, assurée, avec force et conviction, la parole en guise de baguette magique, que la Terre est plate pour qu’elle le redevienne, dès lors qu'un certain nombre de personnes y croit, en est et s’en est persuadé. Peu importe que cela soit juste ou faux, car le plus souvent, ce qui compte c’est de prendre le contre-pied de l’Autre, l’Adversaire, dont, pêle-mêle, les élites, ceux et celles qui ont fait « des études universitaires », qui « parlent bas et bien », qui vivent dans les « grandes villes » -, Londres, New-York, Berlin et « Rive Gauche » à Paris - les wokistes, symboles du Mal contemporain et dans leur sillage, les francs-maçons, le lobby gay, et bien sûr les Juifs, toujours, forcément, comme une reprise des vieilles rengaines mais modernisée et réarrangées, la Parole à l’écho de The Voice.
Capter l’attention devient une priorité et pour ce faire, le contrôle de la forme prime. L’hypocrisie devient une arme des oppositions. Hier les anti-Pacs devenus les suppôts de la Manif pour Tous puis des mouvements anti-avortements s’approprient le caractère festif des Gay Prides afin de donner une connotation joyeuse à leurs slogans intolérants, homophobes et haineux. Le détournement est un instrument du retournement. Les antivax développent un discours aux allures scientifiques - pseudo-scientifiques - et vont même jusqu’à auto-produire des documentaires pour s’auto-justifier.
Dissimulations, manipulations, détournements cognitifs, réécriture subjective et fallacieuse de l’histoire (pour toujours y tenir le bon rôle ), ingérences, récriminations, mensonges, déformation, approximations, diffamation, chantage, ruses, délires, fantasmes, coercitions, intimidation, humiliations, agressions verbales et/ou physiques, apologie du "ressenti" ( car si on le ressent et si on le perçoit "comme ça" c'est donc que c'est vrai ), tous les moyens sont bons pour justifier la fin. Ce n’est pas un hasard s’ils appliquent les mêmes méthodes que celles des pervers narcissiques.
Pour ces derniers, comme pour les complotistes, les intégristes et les fascistes, l’Altérité - le relatif, la relativisation - n’existe pas. Le principe d’identité - d’identification - prime sur tout. Car leur savoir se fondent avant tout sur des certitudes, et donc, en vertu de ce principe, leur bonne foi ne saurait être contestée. Dans ce monde, « convaincre » signifie « convertir ». On ne donne pas à comprendre mais à entendre. On n’analyse pas, on donne son avis. Et il ne peut exister d’autres raisonnements en dehors de ce que la propagande impose et implique. L’intransigeance est de règle, car le fait de transiger, d’en sous-entendre la possibilité, équivaut à remettre en question le système et le fissurer. Or toute pensée totalitaire, absolutiste et monolithique ne saurait tolérer le moindre doute ni scepticisme, c’est-à-dire la part de l’Autre.
Le complotisme qui se propage sur les réseaux sociaux et dont les figures prennent le contrôle des démocraties serait-il à notre contemporain ce que fut le christianisme à la mainmise de l’Empire romain ? Il existe sinon des similitudes du moins des assonances. Dans les deux cas, nous nous situons dans un schéma de croyances. Dans un premier temps, les néo-croyants s’auto-légitiment en développant des postures victimaires. Leur paranoïa nourrit et légitime leurs « ressentis ». A leurs yeux, si les Autres - l’Autre - cherchent à démontrer leurs erreurs, à les contre-dire, à mettre en doute leur Parole, c’est bien parce qu’Eux, les Moi-Moi-Moi, les Elus auto-proclamés, sont dans le Vrai - et c’est bien pour cette raison que les autres les persécutent. Ce qui, dans leur délire, est perçu comme une attaque, une remise en cause existentielle, justifie à leurs yeux de s’en prendre dans un second temps aux autres, à l’Autre, aux incroyants, à tous ceux qui ne pensent pas comme Eux.
Les contradicteurs ne supportent pas la contradiction. Ceux qui mettent en doute la réalité au nom de leur Vérité ne tolèrent pas la moindre suspicion ni remise en question. Dans ces conditions tous ceux qui démontrent leur erreurs, remettent leurs certitudes, leur bonne foi, leur vérités, leurs principes, leurs dogmes, leur Parole sont à leurs yeux des empêcheurs de tourner en rond. Et c’est parce qu’ils se sont déclarés auparavant martyrs qu’ils éprouvent un besoin de revanche. Tous ceux qui ne pensent pas comme eux, qui les ont contestés doivent dès lors disparaître. Leur mode de penser - leur manière d’être - doit être réduit à néant. La réalité elle-même doit être annihilée au nom et au profit de leur Vérité. Le doute, l’interrogation, les raisonnements objectifs n’ont plus lieu d’être. Le principe d’identité impose la mise à mort du principe d’altérité. Le nouveau fascisme de l’égoïsme fait de chaque moi le centre de toute chose, en totalité - de manière totalitaire - et non collectivement. Mais dès lors, dans ce nouveau monde où l’avis personnel a force loi et où l’intérêt individuel prime sur tout et tous, dans lequel chacun n’a plus à respecter la volonté commune, majoritaire, comment maintenir les valeurs de la République et de l’esprit de la démocratie ? Comment respecter l’Autre quand la violence et la force légitime seule l’existence et l’expression du Moi-Moi-Moi ? Mais c’est précisément cette idéologie que vantent et cherchent à imposer les Libertariens comme Elon Musk ou Javier Milei.
Aujourd’hui convaincre c’est convertir. On n’adhère plus à un parti, à une idéologie, on s’y conforme. Tout militant est un prosélyte. Dire toute la vérité, c’est dire toute sa vérité. Celle-ci se doit d’être unique, plus incontestée qu’incontestable, absolue et totalitaire. La Bonne Parole (pléonasme) est un Diktat (pléonasme). Toute croyance se construit sur une tautologie.. Car s’ils l’affirment c’est donc que c’est vrai, puisqu’ils l’affirment. Toute relativisation est dès lors impossible - et doit donc être interdite. Celle-ci est ressentie comme une menace, une remise en cause existentielle. Ceux qui hier invoquaient la liberté d’expression pour s’autoriser à déverser leurs mensonges, qui refusaient toute modération sur les réseaux sociaux, ont pour principal souci dès qu’ils sont arrivés au pouvoir, de manière légale, via le vote démocratique, de censurer toutes leurs oppositions. D’un côté, depuis sa résidence de Mar-a-Lago transformée en nid d’aigle,, Donald Trump somme la Cour suprême de ne pas interdire aux Etats-Unis la plateforme chinoise Tik-Tok qui l’a soutenu lors de la campagne présidentielle et de l’autre Elon Musk appelle au boycott de l’encyclopédie participative Wikipédia, qu’il accuse d’être trop « wokiste », au prétexte qu’elle véhiculerait des idées jugées progressistes aux yeux du patron du réseau X. Le fait que les articles de Wikipedia, dument vérifiés, donneraient des arguments pour contredire la bonne parole d’Elon Musk, pour démontrer ses mensonges, ou parce qu’ils proposent différents angles et lectures, de manière objective, suffit à la condamner. Aussi exige-t-il aujourd’hui que les lecteurs de Wikipédia ne soutiennent plus financièrement l’encyclopédie jusqu’à ce « elle rétablisse l’équilibre éditoriale », autrement dit tant que Wikipédia refuse de se soumettre à la Bonne Parole d’Elon-Trump, de promouvoir leur vision et devenir leur Bible. Le tweet d'Elon Musk rappelle les politiques de rééducation des masses promues par les totalitarismes au XXe siècle, par la force er le lavage de cerveaux.
Promouvoir la liberté d'expression pour ensuite tout censurer ce qui ne correspond pas au diktat de ceux qui viennent de prendre le pouvoir, énoncer pour dénoncer, dénoncer pour condamner, les accusations en guise de jugement, remplacer la pédagogie par la démagogie, le vote par l'avis, opposer raison et sensation, confondre croyance et connaissances, faire du média - du moyen - la fin de toute chose, refaire l'histoire et le langage à sa manière c'est-à-dire à son Image et à sa Ressemblance... notre contemporain réactive tous les rouages de la praxis totalitaire.
Hitler arrive démocratiquement au pouvoir le 30 janvier 1933 et moins de deux mois plus tard, le SS Himmler le 23 mars 1933 annonce l'ouverture du camp de Dachau.
Il existe des similitudes et une différence majeure, entre les fascismes du XXe siècle et le fascisme contemporain. Tous mettent en avant le culte du chef, le principe de soumission par la force et la violence. Mais dans les fascismes du XXe siècle l'individu et sa personnalité s'effaçait et se dissolvait dans le collectif. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Le fascisme contemporain est avant tout celui de l'égoïsme, de l'individu maître et escale de Lui-Même, soucieux de ses propres intérêts et de ses satisfactions, autonorme sans être forcément autonome. Il se considère comme la valeur absolue de toute chose, tout à la fois noyau et électrons. Il est à lui-même son soleil et sa propre force d'attraction. Face à cette absence de perspective, tout ce qui est de l'ordre du commun et du collectif doit être aboli. D'où l'idéologie de la dérégulation totale promue par les libertariens. D'où la promotion des publicités et des recherches ciblées via les cookies et les algorithmes sur vos centres d'intérêts - votre intérêt au centre - au nom du gain de temps et par souci d'efficacité, mais qui vous enferment dans votre propre Image en vous y confortant. D'où aussi la légitimité acquise par la force - la loi de la jungle - au nom de l'instinct de survie considéré comme plus naturel.
En effet, dans un monde où seul le Moi Moi Moi importe, chacun ne suit la loi commune qu'à partir du moment où elle sert ses propres intérêts et la notion de majorité et de représentation démocratiques n'a plus lieu d'être. Ce fascisme de l'égoïsme est aussi celui du narcissisme, car dans son monde chacun se perçoit à sa propre Image sans que celle-ci corresponde à la réalité et pour ne pas à voir la réalité. Ce désir de voir advenir une alternative au monde réel, rendue possible grâce aux réseaux dits sociaux, explique la volonté de certains de promouvoir un métavers, un monde virtuel, dans lequel la réalité serait augmentée, qui dédoublerait d'abord la réalité pour ensuite s'y substituer. Dans ce monde chacun pourrait devenir celui qu'il désire être - à condition d'en payer le prix ( Meta voudrait mettre en place sa propre monnaie, ses propres bitcoins) et d'en respecter les lois ( Cf. les codes mondiaux et autres restrictions déjà mis en place par Google ou Meta, auxquels les utilisateurs doivent se soumettre pour avoir le droit d'utiliser ces plateformes, et ce de manière autoritaire car jamais justifiée, sans tenir compte des lois des différents États, malgré la localisation des utilisateurs ).
De même que Donald Trump affirme comme sa / la Vérité ce qui est objectivement faux dans la réalité, de même le libertarisme d'un Elon Musk est liberticide.
Roma 2024, ©Sylvain Desmille |
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Le fascisme est en marche. La nouvelle internationale fasciste est en marche. En décembre 2024, Elon Musk fait la tournée des popotes de l'extrême droite mondiale. Il accorde dans une tribune du quotidien allemand Die Welt son total soutien au parti populiste et national-conservateur, ultralibéral et anti-européen Alternative pour l'Allemagne - Afd. Au même moment, aux Etats-Unis, alors qu'il n'est pas encore investi, Trump annonce placer aux postes de pouvoir tous les membres de sa famille et ses plus fidèles partisans comme l’empereur romain Auguste au premier siècle avant Jésus-Christ, soucieux d’installer comme lui une nouvelle dynastie à la tête de ce que ce que le dernier Président des Etats-Unis considère comme devant devenir le nouvel Empire territorial américain, en annexant le Panama, le Groenland, et le Canada par la guerre s’il le faut ? Les réactions à ces annonces sont étrangement circonspectes, atones. Wait and see. Laisser-agir, laisser-faire. Mais attention, quand la vérité n’est plus la réalité, son ambition est de changer la réalité afin qu’elle lui corresponde.
Les nouveaux prosélytes se sentent investis d’un pouvoir de contrôle. La violence qu’ils exercent n’est pas légitime mais légitimée. Au début, ils répandent leur haine de manière anonyme via les réseaux sociaux, en se cachant derrière des pseudonymes et des avatars. Tout à la fois masque et carapace, leur double virtuel leur permet de développer une identité seconde, fantasmée mais prise comme vraie, très éloignée de leur réalité, de leurs frustrations et de leur condition. Puis, plus l’alter-ego - l’avatar - gagne en confiance, plus il s’affirme et plus l’alter (le double ) se confond à l’ego. Martyrs hier, les voici qui se proclament « Sauveurs » et « Saint » afin de prendre un malin plaisir à agir comme des bourreaux. La cause - leur cause - n’est souvent qu’un faire-valoir, un moyen pour satisfaire leur narcissisme, les complaire, leur donner le sentiment, la sensation et la satisfaction d’exister. Mais se sentir exister, est-ce exister ?
Toutes ces photographies sont le contraire de ce que j’ai décrit ci-dessus. Chacune est un acte de résistance. Elles sont l’Autre et à l’Autre et rien d’autre.
Comme le soulignait Publilius Syrus au premier siècle avant notre ère: « là où il n’y a plus de loi reste tout de même la conscience ».
Comme un Haiku
La branche soudain sèche
Emportée par le vent.
SD
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Roma 2024, ©Sylvain Desmille |
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Rapprocher des photos, c’est rapprocher les espaces, comme le Quirinal symbole du pouvoir étatique italien avec un obscur pont de l‘ancienne zone industrielle d’Ostiense C’est établir des connexions temporelles et ce faisant susciter des possibilités de rencontres - le côte à côte en guise de face-à-face et la voix qui porte sur l’autre rive. Mais attention, « rapprocher » ne signifie pas forcément « relie » - il convient de le préciser dans notre époque prompte aux courts-circuits, approximations et simplifications. Ainsi, quand on rapproche deux aimants de polarité semblable, bien qu’unis par un même champ de forces, ils se repoussent l’un l’autre. De même croire qu’il existe un lien dans la redite des évènements historiques, est un leurre. Les correspondances ne sont pas des duplications et les mêmes causes ne produisent jamais les mêmes effets, sauf à être un copier-coller parfait, à confondre aujourd’hui avec le temps d’hier, à considérer le passé non seulement comme le double mais aussi le dédoublement du contemporain. Mais si Aujourd’hui est le semblable d’Hier, cela implique qu’il n’existe pas ni en propre ni en soi. La réplique n’est jamais un duplicata.sauf à refuser de prendre en considération le contexte, c’est-à-dire la part de l’Autre.
Les historiens grecs de l’Antiquité considéraient l’Histoire comme une enquête, un relevé d’indices et de mesures à la manière des arpenteurs et des géomètres. Pour Hérodote, l’Histoire est avant tout une archéologie et une traversée, un espace plus qu’une temporalité, et presque un melting pot ( j’ai dit « presque »). La continuité est celle des pierres du gué, tantôt à fleur d’eau et tantôt saillantes, des dents de la mémoire plus ou moins déchaussées ou du nombre de ricochets à la surface du fleuve Héraclite. Thucydite lui fonde la temporalité sur les relations de causes à effets en essayant d’intégrer le plus de paramètres - d’angles - possibles tout en mettant en avant un point de vue dominant. Son histoire coule de source et cette source engendre des torrents et des rapides, des rivières qui finissent toutes par se jeter dans le fleuve Héraclite et de là dans l’Océan.
Ce sont les mythographes qui, les premiers, ont cherché à donner un sens logique aux histoires, en rassemblant les variantes éparses des mythes et en établissant une suite rationnelle à leur idée. L’histoire selon Hérodote et Thucydite a des allures de pierres taillées, de bifaces. Les mythographes eux polissent les mythes quitte à imposer leur vérité - leur croyance - et non la réalité.
Dans la même optique que les mythographes, les Romains ont cherché à tirer des leçons de l’Histoire, et le plus souvent en mettant en avant l’immoralité de ses acteurs - exactement comme les mythographes dénonçaient l’immoralité des dieux. Au regard de cette conception morale - et moralisatrice - l’histoire apparaît comme « éternel recommencement », une suite de cycles, d’apogée et de décadences de poursuites, et de rebondissements. L’histoire est à la fois un théâtre et du théâtre, une mise en scène et un spectacle. Le terme theatrum désignait dans le monde romain à la fois la salle de spectacle et le lieu des réunions politiques, le théâtre de Dionysos et l’Assemblée démocratique d’Athènes.
Mais cette correspondance demeure toutefois une mise en parallèle. Les Grands Hommes se suivent mais ne se rencontrent pas. Il convient de donner à César ce qui appartient à César, et de laisser à Alexandre ce qu’Alexandre a accompli. La conception romaine de l’Histoire met en avant son exemplarité et l’importance de sa postérité. Les rapprochements sont ceux que feront les générations successives en fonction de leur condition et de leurs réalité. Marquer l’histoire n’est pas la pétrifier. Le hasard, la chance - la fortune ( bella fortuna) - les coups de poignards en guise de coups de théâtre ( pan, pan pan) sont des facteurs de la destiné. Rien n’est écrit tant que tout n’est pas joué. La roulette russe en guise de coup de cymbale: Pan…. Pan, pan.
Dans le monde chrétien, tout est écrit même si personne ne sait ce qui est en train de se jouer. Dieu est le seul maître de l’histoire. Lui Seul sait où tout cela conduit, et il appartient aux hommes de faire confiance à la divine Providence - une source pour perpétuer le flux des prières - et de croire aux desseins du Tout Puissant. Au risque de voir cette mise en perspective aboutir à un trou noir, l’inspiration dans l’aspiration, le point de fuite sans fuite possible et la consécration dans le Jugement ? Les hommes ne sont que les instruments et les pantins de la volonté divine. Seul Dieu connaît les raisons et le sens des évènements. Après tout, n’est-il pas « l’alpha et l’omega » ? En fait, cette l’expression induit et nie au même temps l’idée même de progression, car si le dieu des Chrétiens est bien l’alpha et l’omega cela que le début est la fin. Dans ces conditions, l’histoire se confond avec la religion. D’ailleurs la Bible n’est-elle pas avant tout un livre d’histoire, qui raconte l’histoire du peuple juif afin de lui faire la leçon - à l’écho de la conception de l’histoire des Romains ?
Pour un Chrétien, la finalité de l’histoire est soit l’enfer soit le Paradis (et depuis le XIIIe siècle, avec l’avènement de la société bourgeoise, le purgatoire s’est imposé comme une base de négociation rentable pour tous les partis). Pour les rois, l’histoire cristallise l’ordre immuable voulu par Dieu et eux-mêmes (en tant que représentant de Dieu sur terre), à leur profit. Cette conception absolutiste renvoie à une pensée totalitaire ( Dieu est Un et Tout). Le « Christ est chez Lui dans l’histoire » écrivait Dom Géranger encore en 1945. Dans le monde d’Ancien Régime, le christianisme et la chrétienté restaient au coeur de toute l’activité humaine. « Ni l’homme, ni la société ni l’histoire ne sont explicables en dehors de ‘idée chrétienne » poursuit Dom Granger dans son essai sur Le sens chrétien de l’histoire.
Roma 2024, ©Sylvain Desmille |
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Tout change au XVIIIe siècle et plus encore après la Révolution française ( l’évènement comme avènement ). La liberté s’exprime dans la reprise en main par les hommes de l’Histoire. Et si pour Hegel l’Histoire conserve encore des aspects cycliques ( la parabole du « Maître et de l’Esclave », blablabla), sa linéarité s’impose. L’histoire cesse d’être une croyance. Le principe de réalité (objective) remplace celui de Vérité (subjective). L’analyse - le questionnement, le doute, la démonstration, la conscience - remet en cause les certitudes obtuses de la foi.
L’idéologie - le moralisme - cherche a donner un but et un sens à l’histoire, en associant la notion de progression à celle de progrès. Ces lectures n’ont d’autres but que de tenter d’en déterminer le cours (en définissant un cap) et donc d’exercer une sorte de contrôle. La conception marxiste de l’Histoire fut une grille de lecture dominante jusqu’à l’effondrement du bloc soviétique au début des années 1990. La finalité de l’Histoire aurait dû conduire à l’avènement de la société socialiste partout dans le monde. Mais dans ces conditions, comment expliquer dès lors la conversion du socialisme au capitalisme dans les années 1990 ? Les ruses de l’histoire seraient-elles sa rouerie ? C’est au regard de cette perception, que Francis Fukuyama définit la fin de l’histoire comme la victoire sans appel du capitalisme mondialisé. Mais sa fin de l’histoire n’a jamais été la fin de l’Histoire. Point final.
Quel est notre besoin d’histoire aujourd’hui ? Autrement dit, quel est notre besoin de sens ? A force d’avoir cherché à tirer les leçons de l’histoire, nous nous retrouvons désabusés blasés, désenchanté. Car il faut bien se rendre à l’évidence, quand l’esclave renverse le maître, il se comporte lui même en comme le maître et en maître.
Quand les révolutions n’apparaissent que comme des reproductions et des reconductions, changer les processus est le seul moteur de transformation. Est-ce la cas aujourd’hui ? Non. Comme le souligne François Hartog, dans Confrontations avec l’histoire, Paris, 2021, le remplacement de l’histoire par les mémoires conflictuelles, en lutte pour la reconnaissance, semblent nous condamner à un présent définitif. L’histoire est devenue un jeu de forces individuelles voire individualistes ( même le « Moi » s’exprime dans un nous) et non plus collectives. Les intérêts particuliers priment sur tous les autres et ceux des autres. Le mode de penser n’est plus dialectique ( quand on se place du point de vue de tous les acteurs, des adversaires réciproques) mais unilatéral. L’avis personnel a valeur de diktat, la nuance est sans objet et on ne démord pas de son point de vue c’est-à-dire de sa position. Le présent ne tire plus les leçons du passé, il fait la leçon au passé, le juge, moralement, hors contexte et hors situation., en prenant l’actuel comme référence. Le moi devient sa propre et seule référence, son auto-référencement, absolu et totalitaire. La montée en puissance des mouvement extrémistes de droite et de gauche n’est que l’expression d’un auto-fascisme contemporain, généré et acculé depuis l’essor des réseaux dits sociaux ( la nouvelle praxis contemporaine ). Le complotisme en est une illustration. Il ne s’agit que d’une nouvelle révolution, d’un remplacement voire d’un changement, pas d’une transformation.
La physique quantique marque l’avènement d’un nouveau processus dans la mesure où elle ne se définit pas contre la physique classique (newtonienne), mais comme autre. Je rêve d’une lecture quantique de l’histoire, selon laquelle l’Histoire intègrerait toutes les variables et les variantes, tous les points de vue sans prendre position, objectiverait le subjectif, l’intègrerait. L’histoire serait perçue moins comme une temporalité et plus comme un espace, un jeu de forces complémentaires et non pas rivales. Comme lorsqu’on rapproche deux photographies. On lit notre présent à l’aune du passé et le passé à l’aune du présent. Pourquoi ne pas faire lire notre présent par le passé. Cicéron analyste de Macron ? En tenant compte des contextes réciproques, de leurs différences et spécificités - mais c’est dans ce jeu de forces nouvelles que tout cela se joue. Bien sûr, dans cette logique il faudrait être autant Macron que Cicéron - ce qui implique une maîtrise parfaite des connaissances et surtout des subtilités sans a priori ni croyance. De même, pourquoi ne pas faire l’histoire d’un évènement en intégrant toutes les grilles de lectures propres à chacune des humanités ( ce que l’anthropologie historique proposait ) ? Mais bon, cela est une autre histoire.
SD
* * *
J’aime cette idée d’un temps
l’apaisement,
cet effacement,
statues blanchies à l’os
les mains tendues comme si elles nous accueillaient
ce réconfort de la voix
et dans la voix
juste avant que la catastrophe ne s’apprête à tout emporter
J'aime cette idée d'une photo
qui ne serait qu'une photographie
pas une image
ni un invisible
une captation oui, mais pas une capture,
de ce que l'on regarde mais qu'on ne voit pas
la saisie d'un temps son dessaisissement
Sylvain Desmille
Roma 2024, ©Sylvain Desmille |
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