COVID 19: LES SANS-MASQUE SERAIENT-ILS DES SALAUDS ? Quand Jean-Paul Sartre se rappelle à nous, par Sylvain Desmille

Publicité de la Ville de Berlin contre les anti-masques: "Faisons un geste pour tous ceux qui n'ont pas de masque"




Le philosophe Kant estime que les hommes sont mauvais quand ils mettent l’amour qu’ils ont d’eux-mêmes plus haut que la loi morale, ou, selon l’interprétation de Comte-Sponville, quand ils soumettent l’amour qu’il devrait avoir pour l’autre - l’amour du prochain en terme évangélique - à l’amour qu’ils ont pour eux-mêmes (http://poethique.over-blog.fr/article-qu-est-ce-qu-un-salaud-comte-sponville-53426437.html).  Les hommes sont mauvais lorsqu’ils se plient au diktat de la liberté naturelle (moi avant tous les autres), de la loi du plus fort (moi au dessus de tous les autres), de l’instinct de survie et de la loi de la jungle tant vantée par les néo-classiques (l’homme n’agit qu’en fonction de ses intérêts personnels) et reconnue par les théoriciens du libéralisme de l’école classique anglaise (cf. la théorie mettant en avant l’égoïsme de l’homo economicus comme moteur de l’essor économique). 


Pour Kant, l’homme est mauvais parce qu’il choisit de l’être. Parce qu’il tire de sa mauvaise action une auto-satisfaction, un bénéfice et une bénédiction, un ressenti narcissique, une jouissance onaniste, une auto-gratification. Lorsque les autres ne sont que des moyens pour s’auto-satisfaire. 


Le masque démasque les pervers narcissiques. 


On comprend dès lors pourquoi les pervers et les perverses narcissiques  (celles et ceux qui ont des troubles de la personnalité narcissique comme préfère les diagnostiquer l’Association Américaine de Psychiatrie)  refusent de porter le masque. C’est d’ailleurs un bon moyen de les débusquer, car, par définition, ces schizophrènes ont l’habitude de présenter un visage  avenant, tout sourire en public, mais manipulateur et destructeur en privé. Présenter un visage masqué est une épreuve insupportable - insurmontable ? - dans la mesure où le masque menace leur auctoritas, leur capacité à imposer l’image d’eux-mêmes qu’ils entendent présenter aux autres. Le regard ne leur suffit pas, non seulement parce qu’il les contraint d’apparaître tels qu’ils sont (moins qu’ils voudraient être), mais plus encore car il peut révéler leur double visage. Le pervers narcissique est en effet un séducteur dénué d’empathie, qui utilise tous les ressors pour jouer son double jeu. Le masque leur apparaît comme une forme d’amputation, une perte de contrôle et d’équilibre, qui les dévalorise. Or, si le et la pervers(e) narcissique prennent plaisir à dévaloriser les autres, c’est souvent parce qu’ils ont une représentation dévalorisante et dévalorisée d’eux-mêmes (d’où le besoin de compenser en se montrant mieux que les autres - ce qui n'est en aucun cas une excuse). Ce qu’ils reprochent au masque, c’est de les démasquer. D’où souvent leur volonté affichée et affirmée de déroger aux règles du port du masque, surtout en entreprise,  dans les facultés et les écoles post-bac, en public, là où ils rencontrent le regard des autres pas encore sous leur diktat et leur emprise. 



Alors, forcément, tous les motifs, toutes les excuses, tous les prétextes, tous les mensonges, tous les cacas-nerveux, toutes les menaces, tous les stratagèmes seront bons pour ne pas mettre le masque. Les uns invoqueront des pathologies physiques vraiment graves comme l’acné ou des rougeurs (c’est-à-dire en vérité la grande peur de mettre en péril leur maquillage sacré, autrement dit le masque qu'ils ont choisit d'arborer, Image qu'ils contrôlent et qu'ils veulent donner d'eux-mêmes). D'autres allégueront d'un risque accru des troubles mentaux comme la sensation très désagréable de claustrophobie... Pouvez-vous préciser ? Et bien par exemple d’avoir un masque sur mon visage...).  Ou qu'il faut trop chaud, trop froid, trop nuageux.


D’autres  se justifieront pour raisons professionnelles comme ces enseignants qui, malgré des règlements et des protocoles très strictes, se complaisent en paradant à visage découvert, dans les salles de profs, les couloirs et les classes,  face à des élèves, contraints, eux, de porter le masque et pas forcément désireux de voir le visage du / de la prof d'ailleurs. Parmi ces Sans-masque, il y a beaucoup de profs qui ont eu la Covid-19, et qui, parce qu'ils se prétendent immunisés, considèrent qu'ils n'ont plus à le porter, parce qu'ils n'ont plus rien à craindre pour eux-mêmes. Quant aux autres, ils s'en moquent. Ce n'est plus leur affaire. En plus, en général, les enfants contaminés sont plutôt asymptomatiques. Alors ce n'est pas grave. C'est sans danger. Pour eux. Mais pas sans conséquence.  Qu'en est-il en effet de leurs proches ? des autres ? Pour tous ceux qui sont hors la classe, hors l'école ? Pour les passants et les usagers des transports en commun ?  Pourquoi ne pas rétrograder d'échelon ces profs Sans-masque qui mettent en danger la vie d'autrui par leur refus de suivre les consignes (ce qui constitue une faute professionnelle d'autant plus grave qu'elle est préméditée) ?  


D'autres encore, plus fourbes, plus lâches (qui assument toujours tout à moitié, un oeil droit et l’autre de côté), ceux que l'on pourrait qualifier de salauds mi-cuits (comme du foi gras mi-cuit) préfèreront faire semblant de porter le masque, soit en le mettant sous le menton, soit en ayant toujours une cigarette à la main, une canette ou une bouteille - pas ouvertes souvent - pour faire comme s’ils buvaient pour justifier le retrait du masque (un Britannique de 41 ans a manger des chips pendant les quatre heures non stop pour ne pas mettre de masque pendant toute la durée du vol entre Birmingham et Tenerife cf. Article associé). 


A cet égard, le Salaud aime bien qu’on l’interpelle, qu’on lui rappelle de mettre le masque. Le salaud apprécie être pris pour un salaud.  Cela l'autorise à se sentir différent autrement dit de se percevoir comme unique (sans rapport avec les autres), singulier, libre individuellement, un peu comme un adolescent immature en pleine crise de narcissisme aigu. Bouc-émissaire (comme les martyres chrétiens) et rebelle, oh oui, il adore qu’on le pointe du doigt, car ça le valorise. Le salaud aime bien être au centre de l’attention. Sujet et objet. Attirer tous les regards. Puisqu’à ses yeux, il n’y a que lui qui compte. Il ne perçoit les autres que comme des sujets, ses esclaves. 


Comportement irresponsable: 

un cluster de 127 étudiants testés positif à l'INSA de Toulouse


Quoiqu’il en soit, toutes les (im)postures des anti-masques révèlent beaucoup d’hypocrisie, de fourberie, de tartufferie, de sournoiserie, d’immaturité aussi. Il s’agit certes d’une attitude assez typique des sociétés où le comportement et la transgression adolescente sont valorisés, ainsi que le narcissisme considéré uniquement sur le plan de l’utilisation des autres - ou la négation de l’Autre - pour la satisfaction de soi. Ce prétexte n’est pas pour autant une excuse. Au contraire, la mauvaise foi des Sans-masque évoque l’un des concepts fort de la philosophie sartrienne, à savoir celui du salaud.






Les sans-masques sont des salauds. 


Le salaud est de mauvaise foi. Il se prend au sérieux comme en témoignent tous les arguties des Sans masque, parfois délirants, pour justifier leur refus du masque. Le salaud oublie sa propre contingence (il participe au contraire à des fêtes où il est important de ne pas porter le masque, de suivre ce diktat, et même à des Covid-parties, parce qu’il ne croie pas à la dangerosité du virus). Homme et femme de mauvaise foi, le salaud est un croyant: il a foi en ce qu'il dit, surtout s'il s'agit d'un discours non fondé, conspirationniste et complotiste. Car tout ce qui est officiel, rationnel, démonstratif est suspect par essence (il s'agit d'une manipulation en vue de contrôler les esprits). Il se défie des beaux parleurs (de ceux qui ont du vocabulaire, qui développent des phrases). Il croie dans le parler vrai, au borborygmes, plus naturels que les constructions grammaticales. Le salaud n'en doute pas, et ne doute pas. Et s'il assène, c'est bien parce qu'il est persuadé que la Vérité est dans son camp - ou le sens de l’Histoire, et même Dieu (c’est à dire Lui-Même). Pire, il s’auto-persuade que  sa vérité autorise et justifie tout ce qu’il est tenu d’accomplir. Car par nature - par essence ? -  le salaud a bonne conscience, il est même l’expression de la bonne conscience, et il se positionne  à cet égard comme un ayant-droit, fort et sûr de son bon droit, d’être à son bon droit. Il affirme, ne doute pas, assène sa Vérité. 


Il est surtout celui qui refuse de voir ou de prendre en compte sa propre responsabilité. Le salaud refuse de mettre un masque pour protéger les autres. Le salaud se moque de respecter autrui, dans la mesure où le salaud n’a de respect que pour lui-même. 


Attention, je dis « salaud », mais pour le coup, le salaud  ne se limite pas au genre masculin. Loin de là. Dans les manifestations anti-masques les femmes sont sur-représentées, en première ligne sur le terrain. Selon l’Académie française, le féminin de salaud est salaude, mais c’est une forme désormais désuète (les correcteurs automatiques le remplacent d’emblée par « salade »). Le terme fut de toute façon très peu utilisé. En revanche, "la salope » , contrairement à l’usage, n’est pas le féminin de « salaud ». les deux mots n’ont pas la même étymologie ( http://www.academie-francaise.fr/salop-ou-salaud )  On peut être une salaude sans être forcément une salope, même si l’un et l’autre sont aussi compatibles (comme d’être un salaud et un salop - car le mot existe bel et bien - et même une salope dans certains cas du moins). Le terme salaud pourrait apparaître un peu désuet s'il n'était pas un concept philosophique. Il renvoie à une terminologie des années 1940. Aujourd'hui, on le désignerait plus sous le nom de "connard", mais il n'est pas encore une figure philosophique.


Du vivant de Sartre, le salaud était forcément de droite. Depuis 1982, depuis le tournant libéral du gouvernement Fabius, il est devenu également de gauche: auparavant, les forces de Gauche tentaient de réaliser de nouvelles conquêtes sociales, de nouveaux droits pour les générations futures, les autres, déformais elles doivent lutter pour défendre égoïstement leurs acquis quitte à ce que chaque groupe ou individu appliquent la règle libérale du chacun pour soi au nom de l'instinct de survie. Dès lors, le Salaud peut être aussi de droite et en même temps de gauche (et inversement). Après la Chute du Mur de Berlin, la crise des idéologies, la mondialisation et plus encore, avec l’essor des réseaux dits sociaux, le salaud a prospéré. Il est transversal. On retrouve d'ailleurs les Sans-masque dans toutes les classes sociales, tous les milieux sociaux, au sein de toutes les communautés, dans toutes les classes d'âge, beaucoup chez les jeunes et beaucoup plus encore chez les vieux pourtant principales victimes du virus mais qui préfèrent par dessus-tout leur petit confort, leurs petites habitudes, ou faire "jeune", apparaître narcissiquement comme des rebelles comme en 1968 (mais on est en 2020).   


Le salaud s’incarne désormais en la personne de l’égoïste, du lâche, qui refuse d'avoir conscience de sa lâcheté (ce qui en fait le pire des salauds selon Sartre) Il est celui qui a bonne conscience, qui est persuadé d’être un type plutôt bien, qui ne comprend pas ni comment ni pourquoi il pourrait être critiqué parce que pour lui, le salaud, c’est forcément l’autre, autrement dit celui qu’il convient de mettre en danger et à ce titre pourquoi pas d’abattre, en s’en lavant les mains ("Ce n’est pas de ma faute mais celle du virus") mais en ayant pris soin de ne pas se frotter les doigts auparavant ni au gel hydro-alcoolique ni au savon. 





Le salaud se dit - mais tout bas, pour ne pas réveiller sa bonne conscience - qu’au final ce n’est pas mal que les vieux et les faibles disparaissent (ne seraient-ce que pour trouver un logement abordable laissé vacant pour cause de décès, ou encore dégommer son supérieur pour prendre sa place dans l’entreprise). Il en irait de la Covid-19 comme un instrument de guerre pour régler le conflit entre générations, à la manière d’une une main invisible qui en plus laisserait les mains propres en permettant aux jeunes, aux contaminateurs, aux assassins, d’avoir "la conscience tranquille" en rejetant la faute sur le virus et la pandémie. " "Allez Jérémy, va faire un bisou à mamie, elle est si contente de te voir et de te garder pendant les vacances" - le smak comme une balle de révolver tirée dans la nuque. Le meurtre parfait. 


Et après avoir éliminé tous les (trop) vieux, trop fragiles, trop malades, excessivement obèses,  pourquoi, se disent les salauds, faudrait-il s'arrêter en si bon chemin. Après avoir mis à mort les vieux vieux, on pourrait régler la question des vieux - juste des vieux (on en a un peu marre de travailler pour eux, d'être leurs esclaves, surtout qu'en plus, ils font chier, qu'ils nous narguent à partir en vacances sans arrêts, à profiter de la vie alors que c'est plutôt notre génération, en bonne forme, se disent toujours les salauds, qui devrait y "avoir droit"). C'est pourquoi, après les vieux, il conviendrait de régler leur compte  à tous ceux qui ne sont "plus tout jeunes". Aux pré-retraités (parce qu'ils coûtent cher), et pourquoi pas à l'ensemble des retraités, ces salauds qui ont bien su profiter du système (de toute façon il va s'écrouler et nous, ceux qui payons les retraites, nous seront les dindons de la farce). Aux plus de cinquante ans aussi, car ils pourraient laisser leur place aux jeunes, non ? Aux quarantenaires qui font de plus en plus pitié à force de croire qu'ils sont encore jeunes. "Tous ont fait leur temps, après tout, il ne sont plus de notre temps", se dit le Salaud frustré et revanchard, "ils en ont bien profité et en plus ils nous ont laissé un monde de merde, c'est à notre tour d'en profiter (car la jouissance est un profit). On pourrait agir de même avec les cancéreux, les diabétiques, aux malades longue durée (dans le monde du Tweet, c'est-à-dire du faire court pour paraître efficace, la solidarité doit être la plus sommaire possible),et d'une manière générale, à tous ceux qui coûtent trop d'argent à la sécurité sociale, à tous ceux qui souffrent, par bonté d'âme bien sûr !  


D'ailleurs certains voix se sont élevées - ont gueulé à tu et à-tête, notamment dans les "commentaires" des articles de presse, mais sous couvert d'anonymat (on dit aujourd'hui: pseudonyme), en bons lâches comme il se doit - des Français en colère (comme si la colère était une garantie d'honnêteté), de bons et vrais Français se sont donc exprimés  pour demander qu'on mette en place une politique sanitaire à deux vitesses, c'est-à-dire où seules seraient confinées les personnes réputées à risque et les personnes âgées ("après tout leur espérance de vie n'est que de un, deux, cinq ans, voire dix ans au mieux, qu'elles meurent aujourd'hui ou dans dix ans, quelle importance, elles ont fait leur temps, elles ne me sont plus utiles" se répète en boucle le salaud). Cela rappelle un peu tout de même les arguments des Nazis pour justifier l'euthanasie des handicapés physiques et mentaux.  Du point de vue des salauds, c'est assez logique: pourquoi nous empêcher de vivre (m'empêcher moi moi moi de vivre de prendre du bon temps, d'autant que je sais désormais que dans quelques années, cela va être mon tour, car les prochaines générations n'auront pas plus de pitié et encore moins que la mienne actuellement),  pourquoi frustrer nos besoins de contentements égoïstes, à partir du moment où le risque de ne pas mourir du virus reste minime. Certes, même s'ils n'en meurent pas, certains développent des pathologies graves, avec des séquelles durables, mais bon, il y a toujours des victimes collatérales - et du moment que cela ne me concernent pas... 


Certes, le nombre de ces malades va augmenter de manière exponentielle si personne ne respecte les gestes barrières, si on multiplie les contacts, dans les bars et les fêtes, entre potes et collègues de travail, et plus encore si on choisit l'immunité de masse. Certes, ils vont occuper tous les lits dans les hôpitaux - pas forcément dans les services de réanimation - et dès lors, entrer en compétition avec les autres malades non-covid, au point qu'il il va bien falloir faire le tri entre ceux qu'on estime Laisser vivre et ceux qu'on va Laisser mourir.  Certes, on aurait pu empêcher tout cela grâce aux gestes barrière, au port du masque, à la distanciation physique, au respect d'autrui, mais franchement, le salaud se fout de tout cela, du moment qu'il ne subit pas les conséquences de la maladie.


Chaque vie sauvée grâce au confinement à-t-elle un coût de 6 millions d'euros pour la collectivité ? (Le Figaro)


A cela s'ajoute - se surajoute - le discours de nature économique: la santé n'a pas de prix mais elle a un  coût pour l'économie et donc la société. Autrement dit, si vous voulez vivre bien - vivre libre - consommer, dépenser, jouir de la vie, vous enrichir, en tout cas ne pas perdre du pouvoir d'achat,  il est plus rentable de laisser mourir les plus faibles, les plus vieux, ce qui de toute façon sont trop fragiles (on retrouve la rengaine sur la sélection "naturelle" c'est-à-dire la loi de la jungle). Bien sûr à terme, ce type de considération "réaliste" pose la question du coût d'une vie humaine, qui dès lors impose une hiérarchie entre ceux dont la vie est chère et celles de ceux, les remplaçables, qui ne vaut rien ou pas grand chose (peu importe le livreur Deliveroo ou Uber Eat du moment qu'on me livre le repas). Le principe de liberté (libéral et / ou libertarien)  c'est-à-dire des égoïsmes souverains doit-il supplanter, transcender, abolir, annihiler celui d'égalité et de fraternité. Et comment estime-t-on cette vie ? En fonction des diplômes ? des écoles et universités plus ou moins réputées où les diplômes ont été obtenus ? En fonction des réalisations ? De l'offre et de la demande ? Parce qu'ils sont uniques pour certains, les artistes, la culture en générale est irremplaçable, mais est-elle vraiment nécessaire, indispensable (la crise sanitaire montre délibérément le contraire: une manière de préparer le monde de l'Après...)?Et qui fait le tri sur la nouvelle rampe de l'Avenir ? Il est hallucinant que personne n'a relevé le caractère fasciste et le processus mental, idéologique nazi de ces propositions. Ce laisser-dire laisser-agir sans que personne ne s'en offusque est en soi révélateur de notre société.





Tel est bien là l'enjeu de cette crise: mesurer notre altruisme au regard de notre égoïsme. Doit-on tuer les vieux au nom du vivre-ensemble (c'est à dire, à la vérité, au nom de notre entre-soi) ?  Doit on abattre les vieux  pour qu'ils nous laissent aller au bar et au restaurant, érigés par les salauds comme les nouveaux symboles de la sociabilité universelle (peut-être parce que la musique est si forte que personne ne s'entend parler) ? Doit-on exterminer les vieux au nom de notre confort et pour notre satisfaction personnelle, individuelle et égoïste ?  Doit dont génocider les vieux, parce qu'ils gênent, qu'ils empêchent de faire la fête et de tourner en rond, parce qu'ils obligent à porter des masques, à devoir faire attention, tout cela pour complaire aux jeunes générations, aux "jeunes parents" qui refusent que leurs enfants mettent un masque, pour ne pas les "traumatiser" ni les"stigmatiser", quand dans les autres pays cette mesure a permis de briser les chaînes de contamination. Doit on tuer les pères, les mères, les grands-parents, et pas seulement au figuré, tout cela  juste pour se sentir exister ?   (En faisant des fêtes entres potes dès que le paternel est parti en week-end pour ensuite le contaminer et récupérer son super appartement au sixième étage - le fils savait pourtant bien que son père avait déjà failli succomber à une pneumonie - raté !. Les assassins modernes ont les dents blanches).  Le pire c'est que ce sont les jeunes qui se posent en victimes de la crise sanitaire au prétexte qu'elle les empêcherait de se rencontrer sans masque, de se voir sans masque, de passer ou de perdre du temps au bar, de se "socialiser" - du moins dans l'espace public, car entre les murs des appartements, toutes les règles de distanciation physique sont abrogées.




Etrange civilisation où l'enjeu de la civilisation est de se demander si on doit on tuer au nom de la vie, si on doit laisser l'autre en vie au nom du Laisser vivre. Par mourir au nom de la vie - vieux mythe romantique d'Eros et Thanatos  - mais bien tuer au nom de sa vie, tuer au nom de son bien-être (en refusant tout contrainte qui ne pourrait être que passagère si tout le monde les appliquait au nom du bien commun et qui risquent de perdurer voire de s'amplifier tout cela parce qu'on se préfère à soi). Tuer au nom de son développement personnel, tuer l'autre par individualisme. Pour pouvoir jouir sans entrave. Tuer par égoïsme. Tuer parce qu'on se croit ou que l"on se dit ou que l'on se considère comme "jeune". Tuer parce qu'on veut aller au restaurant, par paresse, pour ne pas avoir à aller faire des courses, pour ne pas avoir à faire la cuisine, par flemme, parce qu'on veut aller au bar, par sociabilité, parce qu'on préfère raconter sa vie à ses amis après l'avoir twitté et instagramé. 


A cet égard, pour Nicolas Bedos, il est toujours facile de faire de belles envolées lyriques, remake ou plagiat du romantisme noir du XIXe siècle, alors qu'il n'y a plus d'enjeu puisque son père est mort. Plus rien à perdre. Tout à gagner.  Il est facile de dire qu'il faut "vivre à fond", à la manière d'un ado pubescent quand son père, le vieux, est déjà mort et en rejetant toutes ses excuses - toute sa peine, son désarroi, sa culpabilité - précisément sur son père, victime qui n'aurait pas supporté de n'avoir pu voir ses enfants pendant le confinement. Et d'ailleurs, en quoi, la crise du Covid nous empêcherait-elle de "vivre à fond", existentiellement ? Parce qu'on ne peut plus aller prendre un verre dans un bar ? C'est ça aujourd'hui ce qu'on appelle Vivre ? Être ? Se bourrer la gueule comme ligne d'horizon ? A-t-on besoin d'être présent physiquement auprès des parents pour qu'ils perçoivent tout notre amour - si tel est le cas, c'est bien triste. 


VIDEO DITE CHOC GESTE BARRIERE





Et effectivement, du point de vue du Salaud, Nicolas Bedos a raison d'enchaîner les truismes: "On vit. On aime. On a de la fièvre (ceux qui développent des maladies plus grave, on s'en fout). On avance."  C’est Normal. Vivre soi pour laisser les autres mourir. C’est naturel. Bio. La loi de la jungle, celle où prévaut le plus fort. Celle de la sélection naturelle. Pas de quoi s’alarmer disent-ils en choeur, il s’agit juste d’une grippe, un peu plus forte, et puis que m’importe, comme je suis: "jeune et en bonne santé", cela ne me concerne pas, ou pas vraiment car j’ai toutes les chances d’être épargné, de ne pas tomber gravement malade et même de n’avoir aucun symptôme - super ! car comme ça je pourrais contaminer les autres, l’esprit libre, le coeur léger et les mains propres ! Alors pourquoi devrais-je changer - brimer - mes petites habitudes (éviter de sortir, de m’amuser - café, bar, restos, soirées, et des plans culs à la demande via les « plateformes de rencontres »). Ce sont les autres qui doivent faire attention à leur gueule, ce sont Eux qui doivent se prendre en main - les salauds !. Car moi, ma gueule, qu'est-ce qu’elle a  ma gueule ? Rien. Rien à foutre de vous. De vos « recommandations », de vos règles, de vos interdictions.  


En Islande, testés positifs, deux Français violent le confinement au nom de leur libertés personnelles et par égoïsme pour aller dans des bars et restaurants et contaminent 100 personnes.



Le salaud se voit comme ça, super cool, séducteur et séduisant - arrogant - jovial et sympathique ! Rebelle, libre. Frais et cool. Il louvoie, il minaude Invulnérable. Pas concerné. Et lorsqu’il vous tousse au visage ses virus, c’est toujours avec le sourire ! Oups ! Chacun de ses éternuements est ponctué par un grand éclat de rire.  Mais point d'exclamation. Juste "à vos souhaits". C'est bon, tu es mort. Merci. Le salaud aime bien prendre les autres pour des cons et se foutre de votre gueule. Ah comme le salaud est fun !  Cash et clash, le salaud ne se retourne pas non plus pour éviter de vous envoyer ses miasmes. Comme un gosse (mal éduqué, pas éduqué). Trop mignon ! Le salaud a bon dos. 




Pas de masque pour les sans-masque, mais ils ne sont pas contre un masque anti-âge, 
parce qu'ils le valent, parce qu'ils le veulent bien. 


Comme le salaud est de droite et de gauche, mais plus encore ni de droite ni de gauche, ou à la fois de droite et de gauche aussi, et parce qu’il place son ego (son avis, son opinion, son ressenti) au centre de tout, au commencement et à la fin de tout, alors l’Histoire commence avec lui, se conçoit au gré de ses « stories », jusqu’à perdre le sens de l’Histoire souvent réduite à sa queue et à sa tête (son apparence: face-time). Alors, le salaud a besoin de repères, de convictions. Pas forcément d’idée.  Car l’idée, précisément, c’est d’être contre les théories et les analyses perçues comme officielles (institutionnelles, universitaires). Le salaud sait plus et mieux que tous les autres. Il confond son monde avec le monde, l’assimile. Normal, ! puisqu’il a bonne conscience, le Salaud a forcément une haute estime de lui-même et celle-ci n’a rien a voir avec le niveau d’étude ou la classe sociale: la nature du salaud est de se concevoir à sa propre essence, de faire de son existence l’essence de toute chose. Le salaud a une opinion, un avis sur tout et c’est la conjonction des avis des salauds  - leur dynamique algorithmique sur les réseaux sociaux - qui fait jurisprudence désormais. 


En revanche, le salaud n'aime pas les raisonnements, les discours, les dissertations, les thèses mises au regard des antithèses (le salaud est Pour ou Contre, et ne peut considérer l'existence d'interaction entre les Pour et les Contre, de mise en perspective, de paradoxe), tout ce qui est long, de ce qui exige de la réflexion, de la complexité. Il préfère le buzz, le clash, donner Son avis (mais sans le justifier, le démontrer), son opinion (celle des autres il s'en fout).A cet égard,  le Salaud n'aime pas la contradiction, et plus encore qu'on le contredise ou qu'on le contrarie. L'autre n'est pour lui qu'un faire-valoir, par contraste. Il n'est rien d'autre que cet autre qui n'existe que selon le bon vouloir du Je. C'est pourquoi le Salaud se méfie et se défie de ceux qui raisonnent, qui mettent la question au travail de la raison, qui mettent en question le travail de la raison. Il a peur des discours rationnels et se fait d'ailleurs un devoir de n'en développer aucun. Il qualifie ces autres, ces mécréants, de "raisonneurs" - terme péjoratif -  et même "d'élite", avec le secret espoir de leur couper un jour la tête comme pendant la Révolution - une manière radicale de la leur vider en jouant avec. 


Le propre du salaud est de mettre tout en doute pour imposer ses propres certitudes et partager - c’est-à-dire imposer - ses convictions . Et de justifier que tout ce qu’il avance : « C’est réel ! J’ai vu juste, puisque les autres - enfin surtout les mêmes, mes semblables - pensent (croient) comme moi. » C’est pourquoi, le salaud aime bien être complotiste.  


Pour les Sans-masque, le masque n’aurait aucune justification scientifique ni médicale. D’une certaine manière, ils peuvent appuyer leur dire sur les postures du gouvernement français, qui, d’abord a assuré que les masques ne servaient à rien - ce qui était un véritable mensonge d'Etat motivé par le fait que la France n’en disposait pas suffisamment pour répondre à la demande - avant de l’imposer, mais très progressivement et de manière confuse: pour tous, sauf pour les joggeurs et pour les cyclistes, dehors mais uniquement dans certaines rues… A cela s'ajoute le rôle ambigu du Conseil d'Etat et des Tribunaux administratifs comme celui de Strasbourg, qui nuancent ou désavouent les arrêtés d'urgence, comme si la liberté personnelle était supérieure à l'intérêt collectif, à la sécurité  et à la santé de tous, comme si l'ego primait sur la majorité, sur l'ensemble, comme si un valait plus que l'humanité. 


A Toulouse, la convivialité plutôt que la solidarité:
le rassemblement des égoïsme serait-il l'esprit de la nouvelle gauche ? 



A Paris, pourquoi garder ses distances quand on peut se serrer et se pressurer contre des inconnus ? 


La règle de distanciation physique d'au moins un mètre 
pour toute personne ne vivant pas ensemble est-elle respectée par les restaurateurs et les limonadiers  ?  Quand plusieurs personnes ne vivant pas ensemble- lycéens, étudiants, amis, relations professionnelles - se retrouvent dans un café, il faut au moins un mètre de distance entre chacun d'eux, et également au moins un mètre quand deux groupes venant de milieux différents sont dos à dos. Or la distance réelle observée est en générale de 10 à 30-40cm.  En ne respectant pas ses règles, les bars, les restaurateurs et leurs clients qui se pressent les uns contre les autres, sans masque, mettent en danger la vie d'autrui. Si une personne est infectée directement ou indirectement - via un cas contact - parce qu'ils n'ont pas respecter les règles de distanciation physique, ils deviennent des assassins devant être jugés comme tel.Les consommateurs qui ne demandent pas à ce que ces règles soient appliquée sont au mieux leurs complices.Quand l'égoïsme prend des allures de crime contre l'humanité (car c'est bien l'humanité dans son ensemble qui est touchée par ce virus)


On pourrait d'ailleurs se demander pourquoi les juges de ces tribunaux administratifs ne devraient pas être personnellement poursuivis, pour mise en danger d'autrui, voire assassinat, à partir du moment où c'est à cause de leur décision qu'une personne a été contaminée ou est décédée, alors que les mesures de préventions auraient pu l'empêcher.  Idem pour les élus locaux qui contestent la fermeture des bars et restaurants, principaux lieux et vecteurs de contamination selon deux études, l'une américaine ( Bars et restaurants, une situation à risque d'infection ), l'autre, chinoise ( Diffusion de la Covid-19: ce que nous apprennent les clusters de Hong Kong ) - mais cela signifie aussi s'intéresser à ce qui se passe ailleurs, chez les autres, et non uniquement dans l'entre-soi. Quoi qu'il en soit, les sentences des tribunaux administratifs prouvent bien qu'il n'existe aucun dessein caché d'imposer une dictature, puis c'est l'Etat qui doit se soumettre et reculer... 


A l'inverse,  en Italie, les joggeurs et les cyclistes portent le masque sans problème, il est obligatoire partout, pour les enfants à partir de six ans, tout le monde joue le jeu et il n’y a aucun problème. La conscience du bien commun transcende la polémique (les seuls à la chercher sont les néo-fascistes,  idéologie extrémiste qui permet de mieux comprendre la pensée réelle des Sans masque en France). En Italie, on ne voit pas à la différence de ce qui se passe en France les parents se sentir dispenser de porter le masque et ne respecter aucun gestes barrières au prétexte que leurs enfants ont le droit de ne pas en mettre... Même si ceux-ci restent aussi des contaminateurs, comme les adultes...   


La distanciation physique est scrupuleusement respectée dans les établissements scolaires (ouverture de nouvelles classes pour réduire les effectifs par classe) et  dans tous les transports publics italiens. En France, la SNCF a été la première à l'abroger - les impératifs économiques et financiers primant sur la sécurité collective et sanitaire, les politiques de prévention. Elle met d'autant plus en danger la vie d'autrui qu'il n'y a pas de réels contrôles pour vérifier que les passagers portent bien le masques. Nombreux sont ceux à l'enlever dès que le contrôleur a changé de compartiment - passage fugitif. Sans parler des enfants qui ont souvent plus de onze ans et qui ne portent pas de masques. Ils sont les premiers à éternuer, à tousser sans respecter aucun geste barrière (la bonne éducation). Mais pas question de leur faire une remarque ! (La bonne éducation). De plus, si sur son site la SNCF jure qu'elle lutte contre la covid-19, il est en revanche impossible de vous signaler comme vecteur du virus après avoir pris un train. Comme ça, elle évacue le problème. Ni vue ni connue. De même comment peut-on respecter une Valérie Pécresse, Présidente de la Région Ile de France, qui d'un côté demande aux journalistes de respecter les distances de sécurité en sa présence, et qui, de l'autre abroge la distanciation physique dans les transports en commun et la RATP... Il y a parfois des raisons objective de devenir un salaud... Mais peut-être que Mesdames Valérie Pécresse et Anne Hidalgo pourraient être poursuivies par la suite pour mise en danger d'autrui, voire crime contre l'humanité, parce qu'elles ont délibérément supprimé les règles distanciations physiques dans les transports, par fatalisme, aveux d'incompétence, volonté de privilégier l'économie à l'humain. Il en va de même pour la gestion de la pandémie dans les établissements scolaires. 


Les transports en commun, un foyer de contamination sous-estimé



En Italie, la distanciation physique est scrupuleusement respectée dans les lieux de culte comme dans leurs pendants modernes, les bars et les restaurants. Ce qui n'est pas le cas en France. N'est jamais maintenue a distance d'au moins un mètre entre personne n'appartenant pas à la même sphère de vie (quand des personnes se retrouvent au café, même si ce sont des amis de longue date, comme ils ne vivent pas ensemble, la distance d'au moins un mètre devrait être appliquée, ce qui n'est pas le cas: la table qui les sépare ne fait que 40 cm au mieux, et ils ont le dos collé aux voisins des tables d'à côté, même en extérieure, les terrasses constituent un foyer et une nasse virale - surtout si on met un auvent en période de pluie). L'OMS conseille qui plus est une distance de sécurité d'au moins un mètre cinquante et même plutôt de deux mètres... A cet égard, il faudrait que les médias arrêtent d'être malhonnêtes en assimilant distanciation physique et distanciation sociale, c'est-à-dire en sous-entendant que la distanciation physique est une forme d'apartheid. Elle concerne d'ailleurs tout le monde, sans distinction de classe et d'origine sociale, de niveau de diplôme ni de revenus, ni de religion. A l'inverse, la distanciation physique renvoie à la notion de bien commun républicain.


Pourquoi l'Italie échappe-t-elle 

à la Seconde Vague de Coronavirus ? 


De plus, pourquoi le corps médical porterait-il un masque s’il n’était pas efficace, s’il laissait effectivement « passer les virus » comme les Sans-masque l’affirment. Ce qui est faux, car ce que le masque filtre ce ne sont pas les particules mais les gouttelettes vecteurs des virus.  D’aucuns avancent que le masque serait même un nid à bactéries et champignons… Et c’est sans doute vrai si on laisse son masque dans un lieu humide et déjà rempli de moisissures, pendant plusieurs semaines ! Mais un masque se change toutes les quatre heures sinon il n’est plus efficace. 


Il y a toujours un fond sinon de rationalité du moins de cohérence, de logique dans ces extravagances. Pourquoi imposer le port du masque puisque le nombre des personnes hospitalisées n’augmentent pas ? Mais en fait cela s’explique d’une part grâce aux progrès des traitements médicaux qui permettent de mieux contrôler la maladie pour éviter la mise sous respirateurs artificiel et d’autre part justement parce qu’on a rendu le port du masque obligatoire de manière à briser les chaîne de contamination… Et si les hôpitaux commencent à être à nouveau sous tension, cela ne signifie pas que le port du masque n’est pas efficace pour juguler l’épidémie mais c’est au contraire parce qu’il a eu un relâchement des gestes barrières et du port du masque les semaines précédentes que le nombre de contaminateurs augmentent et le nombre de malades à leur suite.


Le port du masque généralisé a permis de juguler l’épidémie en Chine, en Corée, en Afrique, en Italie (qui dénombre un millier de contaminations/jour quand la France dépasse 8000, 9000, 10 000 cas/jour). Les pays qui ont retardé le port du masque sont ceux qui dénombrent le plus grand nombre de victimes, de morts, comme les Etats-Unis, le Brésil, l’Angleterre.  


Alors, face à ce mauvais esprit qui le contredit, convaincu de sa bonne foi, le salaud est capable de la pire mauvaise foi, de colporter les théories les plus folles, les plus délirantes, tout cela pour avoir raison.   Pour certains, il s’agirait d’un complot pédo-sataniste (de nombreux Sans-masque sont issus du mouvement de la "Manif pour tous", cadre dans lequel ils ont appris à se structurer et à communiquer via les réseaux sociaux). 



Pour les anti-masques français, le port du masque serait contraire à la loi anti-burqua.  Ce qui est faux car la loi précise bien l’exemption pour raison de santé. Le plus drôle, c’est que la visibilité des femmes dites voilées s’est considérablement réduite depuis l’obligation de porter le masque. Et on a tendance à les remarquer précisément parce qu’elles portent pas le masque… Le pire c’est qu’on vient à devoir s’expliquer et se justifier pour contester l’association que certains font entre masque et burqa. Mais le fait que les sans-masque la mettent en avant est en soi significatif. D'ailleurs leur stratégie de communication est assez proche des partisans de la Burqua: visibilité (montrer qu'on porte une burqua/ qu'on ne porte pas de masque), provocations, saisie des tribunaux au nom de la liberté...


Comme selon l'avis des Sans-masque, leur opinion, la burqua est un signe de soumission et qu’elle dissimule le visage, par association, ils considèrent également le masque comme un signe de soumission, en soi, mais pour quoi ? envers quoi ? la santé d’autrui ? le respect de l’autre ? S’agit-il juste d’une réaction anti-musulmane ? anti-islamiste ? En irait-il des Sans-masques comme des Apéro Cochons, mais désormais à la terrasse des cafés ? Nombreux en tout cas ne considèrent pas le port du masque comme une contrainte temporaire, mais comme un test pour mesurer le degré de soumission des individus, alors qu’il s’agit en fait de mesurer leur prise de conscience d’un risque sanitaire, leur sens de la responsabilité collective, de la solidarité transgénérationnelle. Ils perçoivent le masque comme une sorte de muselière humaine, mais en quoi le masque empêche-t-il de s’exprimer ? En quoi est-il une confiscation de la parole ? 








En fait, les Sans-masque préfèrent fantasmer la réalité que l’analyser. C'est toujours la même technique (un peu comme celle que l'on apprend dans les écoles de l'éloquence). On commence par insinuer un doute raisonnable, par exemple, On prétend que le gouvernement impose les masques pour des raisons économiques et intérêts financiers, pour écouler un stock trop important, et enrichir les "copains". Ce pourrait être logique si ce n'était un mensonge. Ce On qui parle au nom de tous ceux qui sont contraints à se taire, c'est le moi déresponsabilisé, l'équivalent de ceux qui harcèlent en leur nom sur les réseaux sociaux mais en se dissimulant derrière des pseudonymes, en avançant masqué... C'est le Je qui affirme sans prendre la responsabilité juridique, pénale d'être condamné pour ce qu'il dit (et non parce qu'il le dit). En terme sartrien, c'est le lâche. 


En fait, il importe d'ouvrir une brèche. Après, tous les moyens sont bons, tous les coups sont permis afin que le salaud puisse donner à croire qu’il a toujours raison. Alors, il n’hésite pas à certifier que non seulement le masque ne protège pas mais qu’en réalité, c’est lui qui qui propagerait le virus parce qu’On les aurait contaminés à ce dessein.   Ou encore, il y a  cette théorie très populaire en Allemagne qui certifie la présence de nano-puces informatiques - invisibles à l’oeil nu, forcément, - dissimulées dans les masques pour contrôler votre cerveau et vous obliger à les porter… 




Le salaud est persuadé qu’il existe une conspiration dirigée en sous main par les francs-maçons et les grands groupes de l’industrie pharmaceutique, aux mains (dans leur esprit: aux doigts crochus)  « des lobbies sionistes » (une manière de dire en sous-entendu « juifs » sans être poursuivis pour antisémitisme). C'est toujours une question de gros sous, d'argent sale, parce que le salaud n'en profite pas. De ce côté là, rien de nouveau. Le Salaud est toujours un facho. Et d’ailleurs les manifestations des anti-masques rassemblent un grand nombre d’extrémistes de droite, de néo-fascistes et de néo-nazis en leur sein. On retrouve les groupuscules dans la manifestions des anti-masques de Rome du 5 septembre 2020(https://www.20minutes.fr/monde/2854719-20200905-coronavirus-manifestation-contre-obligation-vaccination-port-masque-reunit-1000-personnes-rome) et dans la plupart de celles qui ont eu lieu en Allemagne, avec en point d’orgue celle du 30 août 2020 à la fin de laquelle des contestataires ont tenté de pénétrer dans le Reichtag. Tout un symbole. (Cf. https://www.huffingtonpost.fr/entry/-allemagne-radicalisation-mouvement-anti-corona-toll_fr_5f4ba532c5b697186e37645e?utm_hp_ref=fr-homepage) 










Les gouvernements autoritaires et / ou les partis d’extrême droite ont été en première ligne pour contester l’existence même de la pandémie et le port du masque. C’est le cas du président Bolsonaro au Brésil (127 517 morts à ce jour, 9 septembre 2020),  du leader d’extrême droite italien Matteo Salvini, du Président Trump aux Etats-Unis (189 538 décès). Ce dernier a d’ailleurs été soutenu par les activistes du mouvement boogaloo.  Un de ses militants, Timothy Wilson, a été abattu par des agents du FBI alors qu’il projetait d’organiser un attentat à la bombe contre un hôpital de Kansas City le jour où les mesures de confinement devaient entrer en vigueur. Le plus drôle - cynique - c’est que les militants de boogaloo défilent avec le anti-masques mais en restant cagoulés… 


En Allemagne, les néo-nazis des manifestations anti-masques de Berlin scandaient le slogan « Zeig mir dein Lächeln » (Montre moi ton sourire) et comparent le port du masque à l’étoile jaune que les Juifs devaient porter sous le régime nazi… Ils se qualifient même de résistants ( Il serait bon de relire Lingua Tertt Imperii, la langue du troisième Reich, ouvrage dans lequel Victor Klemperer montre comment les Nazis ont inversé la valeur des mots pour imposer leur propre idéologie via le langage, via la violence faite au langage…) Tout cela est en soi assez significatif du sens de l’histoire actuel, de son détournement et de son retournement… Les Sans Masque se prennent pour des Résistants, et les gens foutre pour des Jean Moulin, des Sophie Scholl. Ils entament le chant des partisans pour dénoncer la fermeture des restaurants à 22 heures.  S'auto-congratulent et s'auto-applaudissent. Cette hystérie victimaire est infâme. Cette mascarade est méprisable à force de n'apparaître même plus pathétique.




Anti-masque oui, mais cagoulés dans les manifestations aux Etats-Unis


Affrontements le 24 octobre 2010 entre la police romaine et les néo-fascistes italiens
opposés au couvre-feu sanitaire. 


Ne pas confondre liberté et égoïsme.


Tous ces manifestants dénoncent l’obligation du port du masque comme une privation de liberté. Ils parlent même de lois liberticides. D’atteinte à la démocratie. Ce n’est pas innocent. Comme ils ne peuvent contrecarrer les arguments médicaux et les mesures sanitaires - qui ont fait leur preuve en Asie, sur une grande échelle, en Italie et en Angleterre - les salauds veulent déplacer le débat en en faisant une question politique et morale. Il se définit comme anti-élite (par jalousie, esprit de revanche, parce qu’il n’a pas réussi à en faire parti). Il se dit anti-système, car le salaud aime bien se démarquer pour se faire remarquer, prendre ses distances pour mieux se distinguer des autres. 


Mais en quoi le port du masque est-il liberticide et anti-démocratique ? Y a-t-il eu un coup d’Etat ? Les gouvernements en place ont-ils imposé une dictature ? contesté puis mis en péril les institutions ? Supprimé les élections ? Passé outre le vote des parlements ? Pourchassé et incarcéré, torturé les opposants ?  Comme à Hong Kong, où la démocratie a été mis à mal puis mise au pas le pouvoir autoritaire pékinois, dans l'indifférence générale, et en particuliers des Sans-Masques qui préféraient défilé, qui avait la chance et la liberté de défiler eux pour tenter d'imposer leurs positions égocentriques, égoïstes et narcissiques. Que ce soit en France, en Allemagne, en Italie, en Espagne, et hors d'Europe, en Grande-Bretagne, les pouvoirs publics les  ont-ils interdit de s'exprimer ? de manifester ? de crier haut et fort que le masque était selon eux une "muselière démocratique" ?  


Mouvement anti-masque:
bombers noir et crâne rasé pour dénoncer le masque comme muselière démocratique. 

Par ailleurs, une grande majorité de personnes n’est-elle pas pour le port du masque ? Et ne sont-ce pas plutôt les mouvements anti-masques minoritaires dans l’absolu (même s’ils se considèrent majoritaires dans les salons de discussions qu’ils multiplient sur les réseaux sociaux) qui contestent le choix de la majorité ?  En quoi leurs avis auraient-ils force de loi quand ils ne représentent pas celle de la majorité ?  Ne sont-ce pas eux qui veulent établir un coup de force ? Qui menacent les principes républicains de solidarité, de souci et de respect d’autrui, tout cela au nom de leur confort personnel. Le plus drôle / triste/ cynique c’est qu’en plus ils condamnent les gouvernements pour leur manque de respect et de considération à leur égard !


En réalité, le salaud vise surtout à remplacer les fondements de la démocratie (ceux qui ont prévalu depuis la Grèce antique sur le principe de majorité, de représentation et de délégation) par le le concept de démocratisme, c’est-à-dire le diktat des opinions, l'immédiateté des avis - application du modèle des réseaux sociaux à la gestion de la société et du pays. Dans cette nouvelle perspective, la loi n’est plus élaborée ni discutée par les représentants du peuple, par le vote, mais par l’avis, l’opinion, le nombre de like transcodés et décodés par des algorithmes pour les associer à des publicités ciblées, personnalisées, promptes à répondre à nos besoins égoïstes.  


Elle ne se conçoit pas comme un principe de raison ni de réflexion, sur le long terme, mais dans l’instant, en fonction de ceux qui donnent ou non leur avis et quitte à verser dans l'hystérie (le clash, le buzz). Le faire-parler importe plus que la vérité et même se conçoit comme la Vérité au prétexte qu'elle donne à parler. L'opinion personnelle acquiert une valeur - commerciale et commercialisée - au prétexte qu'elle est "partagée" par beaucoup de monde. Comment considérer une société qui a pour héraut et héros ceux qu'elle reconnaît elle-même comme des "influenceurs". Que révèle-t-elle de nous mêmes ? Quand l'influence dépend de l'affluence, quand la dictature du clic a valeur de déclic ? N'est-ce pas précisément ce qu'on appelle du démagogisme ? La politique participative est déjà une dérive qui ne peut conduire qu’à un affaiblissement de la démocratie, de la gestion du pouvoir démocratique. Elle fait d’ailleurs écho à la critique des élites, de toute forme d’élitisme. 


Nous sommes dans un monde étrange, paradoxal, où toutes les valeurs, les processus basculent. 


L’étude du sociologue Antoine Bristelle pour la Fondation Jean Jaurès a analysé ceux qui s’affichent sur les réseaux sociaux comme des Sans-masque ( cf. https://jean-jaures.org/nos-productions/bas-les-masques-sociologie-des-militants-anti-masques ). La grande majorité est plus favorable aux thèses libertariennes. 


Cette mouvance surtout implantée aux États-Unis  se caractérise par une attitude associant le libéralisme économique et les libertés individuelles. La liberté est considérée comme un droit naturel. Les libertariens refusent à cet égard toute ingérence et toute intervention de l’État dans l’économie comme dans la vie privée. Partisans de l’anarcho-capitalisme, ils prônent même sa disparition en tant que système fondé sur la coercition et lui préfère l’idée de coopération. Il ne s’agit pas non plus de solidarité. La coopération est motivée par l’intérêt de chacun à s’allier pour son propre profit. Ainsi, les libertaires se disent écologistes dans la mesure où leur mode de vie, leur bien-être, leur avenir sont menacés par les conséquences du réchauffement climatique, mais si une catastrophe survient quelque part, sans qu’elle ne les touche, les impacte, les gêne les concerne directement, ils compatissent certes mais ne font rien. 


Les libertairiens défendent aussi l’idée d’une occupation originaire, selon laquelle chacun est en droit de s’approprier ce qui est reconnu sans propriétaire ou dont le propriétaire a fait défection. Ils s’approprient l’espace public, privatisent le bien commun. La rue devient la cour de récréation de leurs enfants, leur terrasse individuelle où ils peuvent faire la fête jusqu’à trois heures du matin sans n’en avoir rien à faire des riverains, avant de rentrer dormir tranquillement, sereinement - sans bruit - chez eux. Ils n’aiment d’ailleurs par dessus-tout se faire remarquer, en mal surtout, être l’objet d’une attention particulière. Tout ce qui nourrit leur moi est bon, que ce soit positif ou négatif (en ce sens, ils sont bien de leurs temps, où compte plus que tout le buzz comme médiation). Ils ont le culte de la visibilité et la peur panique de l’invisibilité - ce pour quoi ils refusent de porter des masques. Ils aiment se sentir mieux et meilleur que les autres, supérieur aux autres et à l’autre, ne serait-ce que par instinct de survie, pour que leur moi s’individualise, ne se confonde pas dans la mare opaque des autres, quitte à devenir une tête à claques pour engranger le plus de clics sur les réseaux sociaux. Il faut qu’ils se distinguent afin d’exister en soi, mais en même temps ils dénient toute possibilité aux autres de lui être supérieur de quelque manière que ce soit (physiquement et surtout culturellement). D’où son anti-élitisme et l’avènement de cette nouvelle idéologie affirmant que le meilleur se limite au mieux qu’on estime pouvoir faire (que mon moi estime en fonction de ses propres critères, de sa propre appréciation, de sa médiocrité souveraine, étalon de mesure du pouvoir faire par tous) 


D’une certaine manière, et parce qu’il se fonde tous les deux sur la primauté de l’individu et de l’individualisme,  le libertarianisme fait écho au démocratisme. Il s’agit du même processus de remise en cause voire de destructions des fondements de la démocratie actuelle et la notion d’Etat (sommé de ne plus intervenir en rien, de laisser aller et de laisser faire et pour ce faire on le prive de l’impôt: à chacun dès lors de faire en en fonction de ses moyens).




Sur le plan social et moral, les libertaires se montrent très permissifs. Chacun fait comme il l’entend, sans restriction ni prohibition. Les incivilités témoignent d’une autonomie du moi, d’un défi de la défiance de la loi considérée comme un diktat du collectif. A cet égard, la subjectivité prime sur l’objectivité, le ressenti sur l’analyse rationnelle. Tout ce qui la conteste ou la remet en cause - le regard des autres sur soi - est nié, par principe, et souvent, comme le discours, le dialogue ne sont plus possible, par violence. 


Aux États-Unis, les libertariens sont plutôt partisans du mariage gay (ce que les gens chez eux font ne regarde pas les autres) et en France,  seraient plutôt « Manif pour tous » (l’état ne doit pas imposer sa conception du droit et de la famille aux individus). Ils refusent de se prononcer pour ou contre l’usage des stupéfiants.  Sont  favorables à la liberté de parole (y compris l’insulte) et à la discrimination (au nom de la liberté d’expression)l.  Cela implique que chacun fait comme il l’entend, sans se soucier des autres, sauf par intérêt. L’autre n’est perçu que comme un moyen, un instrument, une utilité (une nécessité contrainte) et un utilitaire (toujours à la disposition du moi pour le satisfaire, d’où l’essor des activités de service, des autres aux service de mon moi - nouvelle sorte de néo-esclavagisme éco-responsable). On  le perçoit et on le conçoit comme une abstraction (on l’abstrait de soi et on ne se le représente plus), une nécessité (il faut bien que des autres payent ma retraite, alors qu'ils pourraient se dire libre de ne pas s'y sentir obliger). 


Et ce que « Je » fait ne regarde pas les autres. Seul importe l’ego, référence absolue. Il faut tout mettre en oeuvre pour sacraliser l’épanouissement personnel, le bien-être et la satisfaction immédiate du moi. Les libertariens sont très proches de la « nouvelle éducation » ( voir à ce propos l'entretien que Robert Badinter a accordé à LCI diffusé le 8 septembre 2020 https://www.lci.fr/politique/replay-le-20h-de-darius-rochebin-l-interview-de-robert-badinter-ensauvagement-c-est-l-education-qui-est-la-reponse-2163947.html ). 


D’une certaine manière, les libertariens ne sont si éloignés  de Sartre. Pour eux aussi « l’existence précède l’essence ». Eux aussi partent de la notion de subjectivité. Il existe cependant des différences. ¨Pour Sartre, l’homme est totalement responsable de ses choix et de l’ensemble de son existence. Et en se choisissant, l’homme choisit un modèle d’humanité, il se pose pour l’humanité toute entière. Les libertaires, et peut-être aussi les salauds sartriens ne sont pas si enclins à reconnaître leur responsabilité. Ils ont plutôt tendance à la rejeter sur les autres, à faire des autres les responsables de tout ce qui menace le bien-être du moi individualisé. L’engagement sartrien du moi auprès des autres, de faire de soi l’humanité toute entière n’est pas non plus une priorité. C’est même plutôt l’inverse qui importe: l’humanité se réduit au moi. La satisfaction de ses besoins et désirs est perçue comme naturelle, qui ne nécessite pas de « se prendre la tête », d’éprouver cette sorte d’angoisse existentielle, cette angoisse de la liberté d’avoir à faire un choix qui engage au milieu d’une infinité de possibles. 


On comprend dès lors que le concept de liberté personnelle que les Sans-masque invoquent est souvent pris dans son acception la plus simple voire simpliste, selon laquelle « est dit libre l’individu apte à exercer une volonté car il n’est pas soumis à une contrainte, qui n’est pas prisonnier et qui est capable d’émettre une opinion personnelle ». Cette définition mise en avant par les Sans-masque pourrait également justifier le vol, le viol, l'assassinat d'autrui, puisque seuls comptent Ma liberté Personnelle, mes Intérêts. En effet, si Je est libre, il est libre de tuer l'autre. Mon moi est toujours supérieur, prioritaire à autrui (qui n'est même plus perçu comme un Je mais comme un réseau, un parmi les potes, un faire valoir).  


Les sans-masques feraient ainsi valoir leur droit - leur liberté - à ne pas porter au prétexte qu’ils ne le veulent pas, et même s’ils mettent en danger la santé d’autrui. Car le masque ne protège pas tant soi que les autres. Le masque c’est le symbole du respect dû aux autres. C’est que les Romains appelaient « avoir cure », avoir le souci de et prendre soin de. C’est la raison pour laquelle en Asie, dès que quelqu’un se sent malade - en possibilité de l’être - il met un masque afin de ne pas contaminer les autres. Ce n’est pas une forme de discrimination mais une probité. D’une certaine manière, le masque est le symbole de l’individu qui prend en charge l’humanité.  




Les Sans masque à visage découvert
Le mouvement anti-masque serait-il un néo-populisme des élites ? 


Car il ne faut pas confondre liberté et égoïsme. Ce que reprochent les Sans-masque c’est qu’on le leur impose, qu’on ne les laisse pas faire comme eux ils veulent. Ils refusent la loi - qu’ils appellent désormais le « système ». Ils refusent les principes démocratiques (le principe de la majorité, de la représentation nationale). Ce qui les pré-occupent, c’est leur qualité de vie, de ne pas abîmer leur maquillage ni leur mise en plis (62% des Sans-masque sont des femmes âgée de plus de 50 ans en moyenne), de « respirer » (comme si on ne pouvait pas le faire avec les masques), de risquer des problèmes d’acné, de mettre en péril existentielle leur apparence. Tout cela est très sérieux et d’ailleurs ils se prennent au sérieux. Ils sont convaincus de leur bon droit, de leur « innocence » (une manière de rendre coupables tous les autres - tous ceux qui ne sont pas eux - et de les condamner). 


Il est tout aussi symptomatique de voir que ceux qui se prétendent anti-système, anti-élite sont issus de cette élite (la grande majorité des Sans-masque a fait des études supérieures et est diplômée) et ont été des rouages du système. En leur temps. Et c’est peut-être cela le problème. Ils ont été, ils ne font plus partie de notre temps. La retraite est perçue comme une sorte de déclassement, de frustration, même s’ils affirment être épanouis, d’où la nostalgie de l’époque où ils « ont été » et le risque aussi d’analyser notre époque à travers le prisme de leur propre passé, un peu comme Bernard Henri Lévy donnant son opinion, son avis, son point de vue sur l’épidémie mais à travers le regard d’un intellectuel des années 1970. De parler du contemporain sans être à sa contemporanéité. 


En fait, ce que les Sans-masque appellent "liberté" c’est uniquement de l’égoïsme.


Mais de ce point de vue là, Sartre est clair. La liberté n’est pas un caprice. Elle est un acte de conscience - un état de conscience en acte - qui permet à l’individu de se libérer de la facticité. Elle est ce qui permet de décider du sens à donner aux contraintes. Et parce que le projet d’être à l’humanité ne peut induire l’éviction de l’Autre, des autres, la liberté individuelle ne saurait se dédire de la liberté collective: le salaud , c’est pour Sartre l’égoïsme sans frein, sans scrupule, sans compassion (ou celui qui revêt le masque de la compassion, par habitude). La liberté individuelle n’est pas un individualisme. Elle n’est pas de mauvaise foi, elle ne se ment pas à soi-même. 


Il n’existe pas de grande différence entre l’égoïste et le salaud. Le premier ne fait pas à autrui tout le bien qu’il devrait et le second cherche à faire plus de mal qu’il ne le pourrait. Le salaud est juste un égoïste de l’excès. Tous les deux consentent à rendre service à autrui que dans la mesure où cela ne compromet pas son propre bien-être, son quant à soi. Tous les deux agissent enfoncions de leur « ressenti », mais son dénué de réelle sensibilité car celle-ci implique d’avoir le souci de l’autre. La compassion qu’ils disent éprouver n’est que l’auto-satisfaction d’éprouver un bien être mais sans véritable intérêt envers l’autre. Ils plaignent car c’est agréable de se plaindre, de montrer combien « on est bien, on est dans le bien ». C’est un politiquement correct qui ne fait rien et qui ne veut pas que les situations changent vraiment, car il pourrait y perdre. L’égoïste et le salaud sont toujours prêts à sacrifier autrui à leurs propres intérêts, à leurs propres désirs, à leurs propres opinions, à leurs rêves d’un monde meilleur c’est-à-dire dans lequel eux pourraient vivre au mieux.


Voici venu le temps des assassins...


Le problème est qu’aucun salaud ne se croit tel, par mauvaise foi, ils ne cessent d’ailleurs de se trouver des justifications et des excuses. A cet égard, il serait bon de rappeler aux Sans-Masque leur responsabilité réelle: ceux qui refusent de porter - et de porter correctement - un masque sont responsables de la propagation du virus. En conséquence, ils  mettent en danger la vie d'autrui. Vecteurs de la maladie, petits soldats, bras armés et collabo du virus, tueurs à gage (et sans gage) de la covid-19, ce sont des assassins à partir du moment où un patient meurt parce que d'aucuns ont refusé de porter un masque. A cet égard, au regard de la responsabilité collective, chaque non-masque est un assassin. Chaque restaurateur, chaque limonadier qui n'applique pas les règles de distanciation physique est un assassin. Chaque client qui refusent de les respecter - de respecter autrui - est un assassin. Est un assassin chaque élu local, Maire des Grandes Villes qui privatise l'espace publique au profit unique des bars et restaurants dont les nouvelles terrasses ne laissent plus un libre passage aux passants contraints de respirer les miasmes des consommateurs Sans-Masque placés à moins d'un mètre d'eux, ou pour les éviter de devoir descendre des trottoirs et d'avoir à marcher sur la rue au risque d'être renversé par les vélos ou les voitures à laquelle elle leur est dédié). (Il serait bon peut-être d'enquêter sur les collusions entre certains politiques et le lobby des restaurateurs et limonadiers, depuis de nombreuses années, ne serait-ce pour comprendre les raisons ou les intérêts qui expliquent les privilèges qui leurs sont accordés au détriment des riverains. S'agit-il d'une volonté politique, de supprimer tous les commerces de proximité au profit unique des bars et restaurants, ou plutôt d'une incapacité à appliquer un réelle politique de la ville, d'une compromission avec des lobbies à cause de son incompétence - par facilité, paresse, intérêt - à développer une activité commerciale plurielle ?).




Chaque joggeur qui ne laisse pas une distance d'au moins dix mètres entre lui et les passants est un assassin. Chaque fumeur, vapotteur qui propage le virus par la fumée est un assassin. Chaque commerçant - et surtout grande surface - qui ne  fait pas respecter pas les distance de sécurité, qui laisse les clients toucher les produits frais sans gant est un assassin. Tous ceux qui dans la sphère professionnelle ne portent pas de masque au nom de "l'esprit d'entreprise" sont des assassins. Tous les égoïstes qui revendiquent tenir compte ni de l'autre ni des autres au prétexte qu'ils ne se sentent pas directement ou explicitement responsables sont des assassins. Pas seulement des malades atteints de la Covid-19, mais de tous ceux qui ne peuvent être bien pris en charge  - ou à temps - par les services d'urgence et de réanimation à cause du suroît  de travail ou de manque de place. Les Sans Masques sont aussi les assassins de ces victimes collatérales.  Et  il s'agit bien d'un assassinat, parce que ne portant pas les masques volontairement, les Sans-masque ont agi par préméditation. Ils sont à cet égard coupable de la surmortalité générale enregistrée en France.


L'épidémie a bien provoqué une surmortalité en France 



Il serait d'ailleurs bon de le leur rappeler: si chaque fois que l'on croisait un Sans-Masque dans la rue, on leur criait à leur passage "Assassin", peut-être qu'il finirait pas entendre. Il faudrait aussi promouvoir #assassin sur les réseaux sociaux chaque fois que quelqu'un ferait la promotion des théories complotistes ou montrerait une photo de lui sans masque. De même pourquoi ceux qui mettent en danger les autres devraient-ils bénéficier de la solidarité collective - prenons les au jeu de leur égoïsme - de leur JE JE, JE - et privons les de toutes les aides, allocations, prestations sociales, sécurité sociale, retraites. Que ceux qui ne pensent qu'à eux se prennent en main, et au final, tel est bien l'idéologie des libertariens que l'on retrouve parmi les Sans-Masque. 


Hommage rendu le 8 août 2020  sur la plage de Copacabana
aux victimes brésiliennes de l'épidémie de la Covid-19








Aux Etats-Unis, pour donner à voir la réalité des effets humains de l'épidémie de la Covid-19, des associations ont planté 20 000 drapeaux et installé 20 000 chaise à Washington, chaque drapeau et chaise représentant dix morts victimes du virus. En France, on ne donne pas assez la parole à ceux qui ont été hospitalisés, on ne donnent pas un visage aux victimes françaises. Peut-être que si les assassins  - ceux qui propagent la Covid-19 en ne respectant pas les gestes barrières - voyaient le visage de ceux qu'ils ont contribué à tuer, directement ou indirectement, par procuration en tant que vecteur, peut-être qu'ils changeraient de comportement. Ou pas, vu le fascisme de l'égoïsme actuel, ils refuseraient même de voir la réalité, et ils accuseraient ceux qui la leur montre en face de les traumatiser, de vouloir culpabiliser "la jeunesse" alors que ces comportements criminel ne concernent pas et lojnd de là que les jeunes (mais c'est plus facile de rejeter la faute sur eux, hypocrisie oblige)



Après tout ce sont les Sans-Masque qui sont responsables de la crise économique, d'autant plus forte que l'épidémie est incontrôlable. Plus le risque perdurera, plus le doute persistera, plus le retour à la normale sera compromise et  plus les conséquences (politiques, idéologiques, psychologiques, sociales, économiques, culturelles) seront importantes et intenses. A cet égard, ceux qui se plaignent des mesures de restrictions - fermeture des bars et restaurants après 22h, couvre-feu - sont en fait responsables de cette situation, tout simplement parce qu'ils ont consciemment et volontairement refusé de faire appliquer et d'appliquer eux-mêmes les gestes barrières, de bon sens et de bien commun. Ce sont eux qui, en favorisant la contamination, conduisent à paralyser les régions et le pays, qui sont responsables de la mise à mort de la vie culturelle (Théâtres et cinémas sont au bord de la faillite) au nom d'une vie festive - alcoolisée - vendue comme une marque de liberté si elle n'était en fait l'expression d'un égoïsme d'une minorité certes mais à l'idéologie totalitaire, d'un fascisme de l'égoïsme. 


Il est à cet égard intéressant de voir comment la crise sanitaire a révélé le hiatus qui existe entre le festif (la sociabilité) et le culturel (la culture). Jusqu'à présent ils étaient associés l'un à l'autre, alors qu'il n'existe pas de corrélation véritable, sinon comportementale (on prend un verre ou qu'on mange au restaurant avant ou après être allé au spectacle, voir un film, ou au sortir d'un vernissage). Les cafetiers et restaurateurs qui se sont montrés si peu solidaires des acteurs culturels, ne défendent que leurs intérêts égoïstes, leur petite personne. Nombreux sont sont offusqués d'être considérés comme des acteurs économiques "non-essentiels", c'est-à-dire en termes économiques qu'ils satisfont des besoin secondaires et non primaires - mais ils sont tellement égo-centrés qu'ils n'ont rien compris). Ils devraient pourtant se méfier des conséquences à moyens et très courts termes. Déjà, Hollywood considère que les cinémas ont été de formidables agents de promotion de leurs films, et les studios les en remercie, mais que depuis la crise sanitaire, il s'agit du passé: les plateformes de streaming vont devenir les nouveaux médias pour voir les films - de manière sûre, confortables, à la demande, chez soi. Déjà Disney a décidé de devenir le propre distributeur de ses films. Peut-être que désormais les consommateurs se feront livrer leur repas et boisons en utilisant les esclaves auto-entrepreneurs de la livraison à domicile, mais sortiront-ils au café et au cinéma pour commenter les films qu'ils ont vu (un like ou l'icône d'un pouce baissé sur un réseau social suffisent après tout pour donner publiquement son opinion, pas besoin d'avoir à analyser ou d'argumenter, de comprendre pourquoi on a aimé ou pas le film, de débattre). 


Pourquoi dès lors devrions-nous aider ceux qui sont responsables de la crise et de la précarité - parce qu'en réalité, ils ont beau dire, appeler à la défense des grandes valeurs, ils se moquent des autres, tous ne pensent qu'à leurs bénéfices, à sauver leur peau - et c'est naturel, 100% bio cet instinct de survie. Il est peut-être temps de renverser le diktat des égoïstes et le terrorisme dialectique, celui qui fait des bars et restaurant des victimes des mesures anti-covid - en signifiant les responsabilités réelles?


Le contre exemple italien et chinois est à cet égard exemplaire. A Wuhan, épicentre de la pandémie, c'est comme si l'épidémie avait disparu. Tout est redevenu à la normale. L'activité économique a repris. La vie sociale et culturelle bat sont plein. Alors certes, les mesures sanitaires ont été draconiennes, certes elles ont été imposées et appliquée par le pouvoir Chinois de manière strictes voire violentes, mais le respect des mesures sanitaires très simples - confinement, masque et distanciation physique - a permis de réduire de manière très rapide et durable. En Italie aussi, le souci du bien commun explique le contrôle de l'épidémie, et d'ailleurs, au vue des comportements des différents pays européens, on comprendrait pourquoi les investisseurs internationaux et européens, tirant les leçons révélatrices de la gestion de la crise, auraient plus d'intérêt à  s'implanter en Italie et non en France, pays où le retour à la normal est sans cesse remis en question, en cause et au lendemain, à cause de l'égoïsme de tous ceux qui ne veulent pas appliquer ni respecter les mesures sanitaires, minorité (vraiment ? ) dont le comportement met en danger la vie et le retour à la normale de tous. L'incapacité c'est-à-dire la responsabilité des pouvoirs publics à faire appliquer les décisions doit aussi être perçue comme un facteur de propagation. On est content pour elle que la police à vélo passe ses journées à sillonner Paris, mais il serait bon qu'ils s'arrêtent dans leur élan pour interpeller et sanctionner tous ceux qui ne portent pas de masque.  


A Wuhan, "c'est comme si le virus avait disparu"


REPLAY ARTE

Le paradoxe de Wuhan / ARTE reportage



A l’inverse, pour Sartre, n’est pas un salaud celui qui reste lucide et authentique, sans posture ni imposture, qui pense par lui-même, au gré des états de consciences, et non en suivant un mouvement de fond, une tendance. Il est celui qui assume sa propre liberté, sa propre solitude, sa propre gratuité. C’est celui qui a conscience qu’il est néant, que la conscience est néant. C’est un individu d’exigence, d’arrachement, de responsabilité. C’est celui qui ne refuse pas d’avoir mauvaise conscience et qui se défie de ceux qui veulent toujours avoir bonne conscience. Ce n’est pas le saint. Ce n’est pas le sage. Ce n’est pas le héros. C’est l’honnête homme, celui que le Salaud perçoit précisément comme un pauvre type, un has been, parce qu'honnête. Car pour le Salaud, l'honnêteté n'est  ni une valeur ni une vertu et encore moins un état de conscience. C'est une faiblesse. L'honnête homme est condamné à mort la loi de la jungle. Le Salaud préfère la figure du rebelle, de l'incivil, du caïd qui impose son business. Figure de la réussite moderne. Du Moi qui impose aux autres sa loi.


Le non-salaud est responsable (il se pose à chaque instant la gestion de la responsabilité de ces actes), solidaire en conscience et par logique, soucieux d'autrui et respectueux des autres. Il est compatissant. Il n'est pas celui qui ne porte pas de masque ou qui le porte mal ou qui ne le change pas. Il ne se promène pas avec toutes sa marmaille sans masque. Il ne fume ni ne vapotte en rejetant sa fumée dont on sait qu'elle est pourtant un vecteur de propagation du virus dans l'air. Il ne fait pas ni de vélo ni ne courre sans masque ou sans laisser les dix mètres minimum entre lui et ceux qu'il croise. Il ne tousse ni ne crache sur les passants au prétexte qu'il est sur une terrasse de bars ou de restaurants qui colonisent les trottoirs et qui empêchent les passants de garder leurs distances. Il ne retire pas son masque dans des soirées privées où tout le monde se colle aux autres. Il accepte de mettre son masque dans les magasins, par simple mesure d'hygiène, il ne choisit pas les fruits et les légumes après avoir toussé dans sa main. Le non salaud se dit que si tout le monde avait respecté les règles et mis de côté ses exigences égoïstes,  pendant un ou deux mois (rien dans une vie) le virus n'existerait pas et la crise économique aurait été bien moins importante. Car c'est bien l'attitude égoïste de quelques uns qui a amplifié la remontée générale du chômage. Et ce sont d'ailleurs ceux qui faisaient la fête sans masque qui redoutent aujourd'hui d'être parmi les premières victimes de la crise économique. 


Je ne sais pas si le non-salaud est celui qui porte un masque en tout cas ce n’est sans doute pas le Sans-masque. 




© Sylvain Desmille


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