ROMA CITTÀ APERTA, photographies de Sylvain Desmille.

ROMA CITTÀ APERTA, photographies de Sylvain Desmille. 






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ROMA CITTÀ APERTA
(new version)




ET POUR CEUX QUI N'ONT PAS EU L'OCCASION DE VOIR CELUI CONSACRÉ À NAPLES - ET INTITULÉ NAPOLI VANITÀ - JE LE LAISSE EN LIBRE CONSULTATION AU LIEN SUIVANT: 

E PER QUELLI CHE NON HANNO AVUTO L'OCCASIONE DI VEDERE L'UNICO DEDICATO A NAPOLI - E AL TITOLO NAPOLI VANITÀ - LO LASCO PER CONSULTAZIONE GRATUITA AL SEGUENTE LINK:

Pour / Per 
NAPOLI VANITÀ




Conseil d'utilisation pour la version PDF.

Parce que les photographies dialoguent entre elles, non seulement en vis-à-vis, en face-à-face, mais aussi les unes après les autres, tantôt en assonance tantôt en résonance, selon le principe de la prosodie française des rimes suivies, embrassées et croisées, ou du pantoum malais / baudelairien ou du Haïku japonais, le mieux pour découvrir ce livre dans sa version PDF est de l’afficher en double page. Pour cela, il suffit d’aller dans la barre du haut Acrobat Reader dans le menu « Affichage », puis d’aller dans le sous-menu « Affichage de la page » et de cliquer sur « Double page » ou « Double page avec défilement ». Mais on peut aussi voir les photographies en soi, l’une après l’autre.


 Istruzioni per l'uso per la versione PDF. 

Poiché le fotografie dialogano tra loro, non solo faccia a faccia, faccia a faccia, ma anche una dopo l'altra, a volte in assonanza a volte in risonanza, secondo il principio della prosodia francese delle rime seguite, baciato e incrociato, o pantoum malese / baudelairiano o giapponese Haiku, il meglio per scoprire questo libro nella sua versione PDF è visualizzarlo in doppia pagina. Per fare ciò, vai semplicemente sulla barra superiore di Acrobat Reader nel menu "Visualizza", quindi vai al sottomenu "Visualizzazione pagina" e fai clic su "Doppia pagina" o "Doppia pagina con scrolling ". Ma puoi anche vedere le fotografie stesse, una dopo l'altra. 





TEXTE DE L'INTRODUCTION 
DE ROMA CITTÀ APERTA 
(version longue, en français)


Pour Chippie,
Aux victimes du Covid-19


Le temps de Rome n’est pas linéaire, il n’a ni début ni fin, ni passé ni avenir. Le temps de Rome est un conglomérat de tesselles et de mortier, de briques rouges et de marbres blancs, de pavés et de graviers, d’ongles et de dents, de chaux vives. Le temps de Rome est un nuage d’encre dans un nuage de lait. C’est un lacis de ruelles qui se mordent la queue sans pourtant tourner en rond. C’est un jeu de cache-cache, une course aux trésors, parfois un Mikado dont les baguettes brûlent encore par les deux bouts comme les bûchers d’antan. 

Le temps de Rome est un bruit d’eau, et plus encore une transparence, comme un glacis qui enrobe et qui rafraîchit les doigts. C’est une lumière unique, l’été entre dix-sept heures et dix-neuf heures, comme une caresse sur la carcasse des barques retournées aux bords du soir. C’est le chien-louve et son rire de gencives retroussées. C’est l’ivresse des chevilles qui se tordent sur les pavés défaits, le sautillement des enfants comme si, à chaque pas, ils tentaient de franchir le gué. C’est Charron qui va-et-vien mais qui ne traverse pas.

Le temps de Rome est sans époque, ou plutôt il est à sa propre époque. L’aube et le crépuscule s’y entremêlent comme le pinceau agitée sur la palette du peintre. Il est toujours un hier qui chaque jour se prolonge à demain. Et j’aime cette idée d’un passé qui ne se conjugue jamais définitivement au passé. D’un avenir qui s’effrite, mais très lentement, lustré au fil des ans par une peau de chagrin.

Le temps de Rome est celui des temps de Rome. Il suffit de creuser un trou pour que tous en surgissent souvent pêle-mêle et imbriqués comme les scintillements de la source, parfois bien rangés selon l’ordo rerum des stratigraphies. 

Tous ces bouts de temps noués ou tissés ensemble, toutes ces mèches ont contribué à raviver la légende de la Ville Éternelle qui veille et qui parfois sommeille mais dont la flamme allumée par la première vestale ne s’éteint pas. Et effectivement, Rome dure et perdure, renaît de ses cendres au gré des incendies et des inondations, des mises à sac, par Brennos en 390 avant Jésus-Christ puis par les troupes wisigothiques d’Alaric Ier en 410, suivi des Vandales de Genséric en 455 et des Ostrogoths de Totila en 546 et 550. Les Chrétiens furent les plus acharnés à calciner les marbres des palais antiques, des théâtres et du Colisée pour en faire de la chaux comme d’une purification, à décapiter les statues puis à jeter leurs corps dans des fosses communes pour dissimuler à jamais leur nudité, à arracher les colonnes des temples comme s’il en allait des dents. En 846, les Sarrasins pillent Saint Pierre mais ne parviennent pas à franchir les portes de la ville. En 1084, les divisions intestines au sein de la Chrétienté entraînent le pillage de Rome par les Normands de Robert Guiscard. En 1527, portées par la Septième Guerre d’Italie, les troupes impériales de Charles Quint se livrent à un saccage et à des massacres pendant près d’un an.

A chaque fois, la population romaine revient. Elle n’est pas forcément constituée de Romains. Depuis sa fondation légendaire, Rome accueille les mondes. Romulus serait un descendant d’Énée le Troyen. En fait, depuis sa fondation, Rome n’a cessé d’attirer, des touristes et des pèlerins, des artistes et des savants. Depuis sa fondation, Rome n’a eu de cesse de créer des Romains. 

Toutefois, depuis quelques années, on observe un processus inverse. A cause du déferlement touristique, pour la première fois, les Romains quittent le centre historique, à leur corps défendant. Dans les rues, des affiches demandent aux touristes de faire moins de bruit le soir, de ne pas jeter leur détritus partout, de ne pas casser les bouteilles d’alcool en les précipitant sur les pavés ni sur les murs, de ne pas uriner là où l’envie leur en prend, de respecter la tranquillité et le sommeil des Romains, autrement dit d’avoir le souci et le respect de l’autre. Mais comme ils ne sont là que pour trois jours - la durée moyenne des séjours - ou même seulement une poignée d’heures les clients des croisiéristes, ils s’en moquent. Après tout, ils payent pour leurs plaisirs et satisfaire leurs désirs, pour profiter de leur séjour comme ils l’entendent. Il faut qu’ils se régalent, au meilleur prix, et peu importe les conséquences. Leur égoïsme, leur arrogance et leur suffisance sont sans égal.

C’est vrai pour complaire au tourisme de masse et grâce aux fonds européens nombreux ont été les monuments de Rome à avoir été restaurés, du moins en façade, pour le décor. Le Forum antique et le Colisée - billet combiné - font le plein, peut-être parce leur visite est avant tout une promenade, un spot qu’il faut avoir fait. En revanche, la survie des musées est menacée, car leur fréquentation est en chute libre, hormis peut-être les deux Musées capitolins - billet unique - il faut bien en faire un, et encore, la plupart des visiteurs traversent les salles sans s’arrêter devant les oeuvres, et passée la troisième, activant même le pas pour aller manger une glace Gervais ou un Sundae MacDo sur les marches de l’église d’à côté: c’est bien moins cher qu’au café  (pour compenser leur manque à gagner, ils sont autorisés à fermer plus tard, avec toutes les nuisances que cela induit, mais la bonne marche économique nécessite ces sacrifices, et puis, de toute façon, ceux qui tiennent ce discours s’en moquent, cela ne menace pas leur égoïsme, car leur appartement est au calme absolu, derrière leurs fenêtre à  triple vitrage et dans leur appartement climatisé (la planète c’est bien, mais le bien-être chez soi c’est mieux) ils peuvent dormir sur leur deux oreilles, la question du vivre ensemble ne les concerne pas). 

Mais il faut se réjouir de voir de plus en plus de touristes passer quelques jours à Rome. Il faut applaudir. Car tel est l’air du temps, et si les citoyens ne veulent pas s’y soumettre, ils n’ont qu’à partir. Et s’ils veulent résister, lutter, il n’ont qu’à mourir, la botte du fasciste plaquée sur leur nuque, et une balle dans la tête: « Dégage ». Leurs appartements transformés en location Airbnb rapporteront des taxes de séjours à la Municipalité. Certains rêvent même d’une ville sans électeur, juste gérée par collège de Sénateurs non pas élus mais choisis selon leurs revenus - comme dans l’Antiquité - et qui sous-traiteraient la gestion de leur patrimoine et les tâches ménagères aux migrants, non déclarés bien sûr. C’est tout bénef. Les touristes s’en foutent. Du moment qu’ils peuvent boire leur bière et se loger pas cher.

Serait-on en train d’assister à la mort de Rome ? enfin, de la Rome historique du moins. Cette lente agonie à coup de selfies tout sourire devant les monuments romains ?  La ville n’est-elle pas prête à être déclarée Ville Ouverte, ses habitants contraints de fuir les touristes comme leurs parents et leurs grands-parents avaient dû le faire à l’arrivée des Nazies ? Nombreux en 1944 avaient été ceux qui avaient décidé alors de résister, parce qu’ils pouvaient encore s’en donner les moyens. Les prix de l’immobilier actuel qui flambe le permettent-ils aux contemporains ?  

Lorsque j’ai commencé à composer ce livre, je voulais présenter Rome comme une ville ouverte, Una Città Aperta, comme un entre-deux, les habitants n’étant plus et les touristes pas encore. Une Rome qui serait comme une expiration et non plus un halètement, un silence et non plus un bourdonnement, la trace des hommes après la fin de l’homme. Et chacune de ces photographies  auraient été une sorte de performance, l’occasion de surprendre:  «  Mais comment a-t-il fait pour prendre cet endroit sans personne ? ». Mais voilà, l’actualité liée à la pandémie du Coronavirus (un nom choisi parce qu’il sonne mexicain pour mieux faire écho à la Grippe espagnole) - le COVID 19 - a changé la donne. Pour tenter d’endiguer la maladie, les Italiens ont été confinés chez eux. Les touristes sont partis. Rome a bel et bien des allures de ville ouverte. De ville fantôme. Ce qui n’était qu’imaginable hier, est devenu la réalité aujourd’hui. Les places et les rues sont désertes. Les monuments ont été rendus à eux-mêmes, et les statues des musées à leur propre destiné. La ville offre le visage d’un temps d’après, quand il ne restera plus de l’humanité que les vestiges de ses civilisations passées. Car si on devait alors établir le constat du temps présent, que resterait-il du XXIe siècle si l’espèce humaine devait disparaître maintenant ? Des bouteilles de bières alignées en sentinelle sur les marches de l’église, à deux mètres de la poubelle ? Des papiers gras jetés par terre en se disant qu’il y aura toujours un préposé pour les ramasser ? Des tags comme des tweets ou des graffiti comme des oeuvres d’art sur les murs ? 

Prises au cours de différents voyages, ces photographies montrent la réalité d’aujourd’hui. Elles restent une déambulation. Une méditation péripatéticienne. Un retour sur soi comme un détournement. Elles disent aussi mon soutien au peuple romain et à l’Italie dans son ensemble. Chaque photographie est comme une épreuve, de force et de courage dans l’adversité. Un temps du temps qui réaffirme la ville à son éternité. 

Mais je prends le pari. Avant longtemps j’irai vivre à Rome, et avec un peu de chance, j’irai mourir dans la Ville éternelle. 
Sylvain Desmille. 




 POST SCRIPTUM 
COVID-19

Sur un air de tango.


Villes désertes, mais pas désertées, le soir les lumières aux fenêtres attestent d’un accoté, l’autre, et c’est étrange de voir comment certains allument toutes les ampoules presque pour s’assurer de leur propre présence, se rassurer, et comment d’autres préfèrent l’intimité des flammèches à la veillée, l’allongement des ombres jusqu’à attendre chaque recoin. Certains soirs, des lumières ne s’allument pas… encore, encore et puis oui, ouf sur le tard comme une aspiration, le souvenir d’un feu vif, après avoir bloqué longtemps sa respiration en serrant les fesses et en contractant les poumons, et on entrevoit alors des possibilités de rêves qui se précipitent à la va-vite dans l’éprouvette, jeux de cache-cache sans cache-sexe, de courses poursuite autour du guéridon. 

Dehors, les sans-visages, les masqués, font la queue à l’entrée des supermarchés en roulant des yeux comme les marionnettes. C’est l’occasion dans certains quartiers de s’apercevoir de la désertification des commerces et des supérettes au profit des bars et des restaurants, des boutiques de fringues (layettes éco-responsables et sous-vêtements coquins). Le confinement oblige ceux qui avaient pris l’habitude de se faire servir comme des Princes de faire la cuisine à la maison - il y a toujours des tutos sur internet - à moins de demander aux livreurs de risquer leur vie pour leur apporter leur repas à domicile -  satisfaits de se dire qu’ils font marcher-rouler l’économie tout en leur permettant de faire de l’exercice, quelle chance, eux tranquillement vautrés dans leur canapé, l’air de rien, et n’ouvrant la porte de leur appartement qu’une fois le livreur tout en bas de la cage d’escalier. Leur bonne conscience. Leur contentement. 

Toutefois, depuis qu’ils sont contraints de rester chez eux, les rues sont plus propres, les rats cessent de pulluler à Paris, les dauphins remontent le Grand Canal de Venise en rigolant. D’un coup de baguette magique, le Covid-19 a réaliser les voeux les plus fous des défenseurs de l’environnement. En plus, comme ils s’attaquent en priorité aux personnes âgées, les enfants et les petits-enfants se disent qu’ils agissent par solidarité, soucieux pour leurs aînés, en espérant secrètement récupérer très vite l’appartement de Beau-Papa et Grand-maman ou pouvoir s’en acheter un grâce à la baisse des prix de l’immobilier rendue possible suite à l’augmentation de l’offre.  Mécanique des vases communicants (après tout, c’est parce que les vieux vivent plus longtemps que le turnover est ralenti et que les prix grimpent). 






Est-ce la raison pour laquelle nombreux sont ceux à avoir quitté leurs appartements -  jeux videos et enfants  sous le bras - pour s’enfuir en Province ou squatter chez leurs parents (et profiter de la terrasse et du jardin). Certes, ils ont un peu mauvaise conscience, le Président de la République l’a dit: les enfants sont les vecteurs du virus comme les rats au temps de la Peste, mais les parents font attention lorsqu’ils poussent les grands-parents à embrasser petits-fils et petites-filles. Carpe diem, il faut profiter du moment présent. Déjà que les parents doivent s’occuper des devoirs (en même temps, ils sont payés pour ça). L’occasion d’un vrai moment d’échange, de partage, et de s’apercevoir du niveau réel de leur progéniture, incapable d’apprendre une récitation, de faire un calcul de tête (il y a des machines pour ça), d’avoir des références (il y a internet), de faire une dissertation (il y a le copier-coller), de se concentrer serait-ce que le temps de faire cuir un œuf à la coque (et les parents de devoir manger le jaune cru et le blanc à moitié liquide). Ils avaient bien lu que le QI moyen des Français était passé sous la barre des 100 et que la génération née après 1990, la génération Z ou millenium, avait perdu 14 à 18 points de QI en moyenne, en Europe, mais ils se disaient que cela ne les concernaient pas - ils avaient veillé à ce que l’Éducation nationale réforme tous les trois ans tous ces programmes pour les adapter à  la génération montante - mais depuis qu’ils doivent faire face-à-face, nombreux sont ceux à se rendre à cette évidence: ce n’est pas parce qu’il est hyper-actif que leur enfant chéri est pour autant un génie (en fait, c’est plutôt le contraire), mais tout le monde garde espoir tout rentrera dans l’ordre plus tard. D’autant que grâce au confinement,  les tensions sociales se sont apaisées. En France, grâce au virus, la réforme des retraites est suspendue… On attend le bilan de la pandémie comme une  possible solution finale. 

Ce soir, des fenêtres ne se sont pas allumées. Il est vrai, dans la journée, les sirènes des ambulances ont retenti plusieurs fois. Et c’est à caque fois une terreur, comme à chaque fois depuis les attentas du 13 novembre 2015. Des amis dont une prof et un médecin nous ont appris qu’ils avaient contracté le covid-19, dans sa forme bénigne, heureusement. Ils s’étaient mis à l’isolement, dans leur propre maison.  Ils prévenaient tous ceux qu’ils avaient croisés pour que chacun se tienne à l’écoute de son propre corps. C’est une démarche responsable, honnête. Depuis quelques jours, les jeunes ont disparu des rues. Nombreux se consacrent à l’étude et découvrent aussi le plaisir d’étudier que l’école ne leur transmettaient pas. Ils préfèrent les livres aux réseaux sociaux, dont ils se rendent compte de l’inutilité et de l’insignifiance depuis que le confinement ne les oblige pas à paraître pour transparaître et disparaître dans la normativité. Le silence les recentrent. Et ils prennent conscience de cette liberté nouvelle Ils se rendent compte que l’opinion n’est pas une conscience. Si Twitter, et Facebook disparaissaient, cela n’aurait aucune incidence  ni sur leur vie personnelle ni sur la marche du monde - juste sur l’économie. Ils consacrent d’ailleurs plus de temps à converser avec leurs vrais amis. 

De mail en mail, on apprend que d’aucuns s’ennuient ferme et d’autres non. D’aucuns ne supportent plus ce vis-à-vis avec eux-mêmes et d’autres puisent une nouvelle force dans le silence. Le virus en dit long sur chacun et sa nature humaine. 

Sylvain Desmille.



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